Par acte authentique reçu le 29 mars 2013 par maître F.-R., notaire à Vitry-le-François (51) et maître C.-B., notaire à Saumur (49), la SCI Socipark a vendu à Mme Chantal B. épouse P. le lot n° 181 d'un immeuble en copropriété [...] au prix de 3.300.000 euros moyennant l'inscription d'un privilège du vendeur.
Mme B. épouse P. s'est acquittée de la somme de 400 000 euros le jour de la vente. Il était prévu dans l'acte que celle-ci reverse à la SCI Socipark, sur chaque revente de lot, le prix d'acquisition de chaque lot, soit 16.500 EUR et que le solde du prix de vente représentant la somme de 2.900.000 EUR devait être payé en une seule fois au plus tard le 30 juin 2013.
Mme B. épouse P. ne s'est pas acquittée de cette obligation.
Par jugement du 28 février 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre a :
- dit que Mme P. restait redevable à la SCI Socipark de la somme de 112 851,93 euros au titre des intérêts et frais de procédure,
- débouté Mme P. de sa demande de mainlevée totale de la saisie des droits d'associés pratiquée le 5 octobre 2015,
- ordonné le cantonnement des effets de la saisie à la somme de 112 851,93 euros et ordonné la mainlevée partielle pour le surplus.
Par jugement du 28 avril 2017, le tribunal de commerce de Paris a ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de Mme P..
Par lettres recommandées du 13 mars 2018, la SCI Socipark a mis en demeure les deux notaires de lui payer sous huitaine la somme de 112 851,93 EUR correspondant au solde du prix de vente de l'immeuble restant dû en réparation du préjudice causé par leur omission de procéder à l'inscription du privilège du vendeur prévu à l'acte.
Maître F.-R. a répondu que le dernier renouvellement de l'inscription n'avait pu être effectué dans les temps et que le service de la publicité foncière n'avait pas voulu le prendre en compte.
Le juge-commissaire a admis la créance de la SCI Socipark au passif de la liquidation judiciaire de Mme P. pour un montant de 112 851,93 EUR à titre chirographaire.
Suivant exploits d'huissier délivrés les 25 et 26 juin 2018, la SCI Socipark a fait assigner les deux notaires devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne aux fins de les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 112.851,93 EUR, à titre principal sur le fondement du manquement au devoir de conseil et à l'obligation d'assurer l'efficacité de l'acte de vente et à titre subsidiaire sur le fondement de l'inexécution du mandat tacite de renouveler le privilège du vendeur.
Appel a été relevé.
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Les deux notaires qui ont concouru à l'acte de vente d'un immeuble ont commis une faute en ne procédant pas au renouvellement de l'inscription du privilège du vendeur, prévue dans l'acte pour garantir le paiement du solde du prix de vente.
Cependant, pour ouvrir droit à une indemnisation au regard de la faute commise, il doit être démontré que le préjudice est certain. La perte de sûreté ne constitue pas en tant que telle un dommage. La créance du vendeur au titre du solde du prix de vente a été admise au passif de la procédure de liquidation judiciaire de l'acheteur. Le vendeur ne démontre par aucun élément, notamment par un certificat d'irrécouvrabilité délivré par le liquidateur judiciaire, qu'il ne peut recouvrir sa créance. Faute de démontrer le caractère certain du préjudice invoqué, il doit donc être débouté de sa demande d'indemnisation formée contre les notaires.
- Cour d'appel de Reims, Chambre civile, 1re section, 1 Mars 2022, RG n° 21/00273