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Le 15 juillet 2019

Mme Y a acheté de monsieur et madame X, par acte du 28 juillet 2009, passé avec le concours de maître A, notaire, et de la société civile professionnelle Levasseur Mouillot Tamiotti, une villa située à la Roquette sur Siagne.

L’acte authentique a été précédé d’un compromis signé le 10 juin 2009, le bien lui ayant été présenté par l’agence de la Poste, investie par l’acheteur d’un mandat de recherches.

La vente a été consentie au prix de 592'500 € dont 8000 € pour les biens mobiliers.

Le 4 février 2010, Mme Y a fait dresser un constat d’huissier relativement à la découverte de fissures et qu’elle a ensuite obtenu l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire en référé.

L'expert a rendu son rapport, le 30 mars 2012, en concluant que le principal désordre concerne la villa dont il affecte la destination à terme, les fissures y constatées étant évolutives et que l’instrumentation pendant l’expertise, la mesure en laboratoire et un sondage ont montré la même cause (dessiccation et réhydratation des sols) que celle de la catastrophe naturelle de l’été 2007, ayant donné lieu à la prise d’un arrêté non mentionné à l’acte de vente ; que les observations relevées sont physiquement incompatibles avec l’hypothèse qu’un tel désordre ne se soit pas manifesté pendant la catastrophe naturelle, de même nature de 2007, alors que les vendurs habitaient les lieux (par ouverture en été de fissures se refermant partiellement à la saison humide), le rendant alors décelable par un non professionnel comme par un professionnel ; que le défaut d’étanchéité de la piscine est attribuable à un autre phénomène, la lente consolidation du remblai du jardin depuis sa réalisation ; le coût des reprises des désordres est évalué à 175'000 €.

Mme Y fonde son action contre les vendeurs sur les art. 1109, 1110, 1641 et suivants du Code civil.

Elle poursuit également les notaires en responsabilité délictuelle et l’agence immobilière sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Le bien acheté faisant partie d’un ensemble immobilier comportant 17 villas soumises au régime juridique, dit 'Stemmer', Mme Y soutient avoir donné son consentement par erreur,prétendant ne pas avoir compris qu’elle acquérait seulement des droits indivis et avoir pensé acquérir la pleine propriété du sol et des murs de la maison.

Concernant le statut juridique du bien vendu, l’acte de vente stipule, au titre de la désignation du bien, qu’il s’agit du numéro 7 consistant dans le droit de construire une maison individuelle indépendante, portant le numéro 7 sur le plan de masse avec les 83, 05/1000èmes indivis de la propriété du sol et des parties communes et qu’à la suite de l’achèvement des travaux ,la désignation est la suivante : « maison individuelle, indépendante, de plain-pied, portant le numéro 7sur le plan de masse, y figurant sous teinte rouge, devant comprendre entrée, séjour, cuisine avec cellier buanderie, trois chambres, salle de bains, WC, local jardin, garage, terrasse et piscine et 83,0 5/1000e de la propriété du sol et des parties communes générales, étant précisé par le vendeur que toute jouissance privative du terrain est exclue jusqu’au partage éventuel de la copropriété ».

Au titre du paragraphe intitulé 'Nature et quotité des droits immobiliers', il est précisé : « le présent acte porte sur la totalité de la pleine propriété des biens sus désignés  ».

Au titre du paragraphe 'Propriété jouissance', il est stipulé : « L’acquéreur est propriétaire des biens vendus à compter de ce jour  ».

Certes que dans l’avant-contrat, comme dans l’acte réitératif, il existe un paragraphe qui stipulait que Mme Y reconnaît avoir été dûment et complètement informée et avertie par maître A, notaire, dans les termes suivants :

Mme Y, acquéreur aux présentes des droits indivis afférents au lot numéro 7de l’état descriptif de division reconnaît avoir été dûment informée et avertie que la division du terrain en toute propriété ou en jouissance après achèvement des constructions entre les titulaires de tantièmes sera possible en l’état actuel du code de l’urbanisme et de la jurisprudence après le vote par l’assemblée de copropriété à la majorité utile;

qu’il est possible qu’après ce partage, les anciens titulaires de tantièmes indivis se trouvent propriétaires de parcelles de terrains ou jouiraient d’un terrain qui le cas échéant ne sont plus constructibles au regard du plan d’occupation des sols…

Le tout sans préjudice de la non-conformité éventuelle des parcelles ainsi issues de la division avec les règles édictées par le plan d’occupation des sols communal (surface minimum en particulier) non-conformités susceptibles d’interdire dans l’avenir l’obtention de permis de construire pour agrandissement, transformation entraînant une augmentation de surface hors oeuvre nette et en cas de reconstruction en cas de sinistre

L’acquéreur reconnaît avoir été informé par le vendeur et son conseil que la technique juridique mise en place pour l’édification des constructions de l’ensemble immobilier ne lui confère pas de jouissance privative de l’immeuble, objet des présentes, ce dont il déclare faire son affaire personnelle,

Au terme du règlement de copropriété ci-dessous visé, il a été mentionné ce qui suit littéralement reproduit : il est expressément convenu qu’en cas de partage éventuel ultérieur du terrain, les limites de chaque lot devront impérativement respecter les limites séparatives figurant en teinte rouge sur le plan de partage éventuel ultérieur annexé au présent.

Une clause informait également l’acquéreur que l’immeuble n’avait pas fait l’objet d’un certificat de conformité.

Attendu que le règlement de copropriété précisait que les parties privatives d’une maison individuelle comprennent la totalité des constructions avec leurs dépendances et accessoires, que les parties communes comprennent la totalité des sols y compris celui sur lequel seront édifiés les constructions prévues et que le terrain est indivis entre les copropriétaires ;

L’analyse de ces diverses mentions, eu égard au fait qu’il est désormais acquis entre les parties qu’à raison du montage dit 'Stemmer’ sous le régime duquel se trouvait le bien vendu, l’acheteur, qui entendait devenir propriétaire d’une maison en pleine propriété, ne se trouvait, en fait, être propriétaire que d’un bien indivis, terrain et bâti, conduit la cour à considérer que la portée et le sens des mentions de l’acte de vente et de l’avant-contrat s’avèraient particulièrement ambigües et obscures pour un acquéreur, profane, qui pouvait légitimement penser acquérir un bien qui était soumis au régime de la copropriété horizontale. Qu’en effet, la désignation contenue à l’acte de vente, même confrontée aux autres mentions de l’acte et du règlement de copropriété ne lui permettait pas de savoir qu’il n’achetait qu’une part d’indivision, aucune stipulation ne comportant donc cette précision de manière claire, étant à cet égard souligné :

—  qu’il y était même écrit que la vente portait sur la totalité de la pleine propriété des biens ;

—  que par ailleurs, la clause relative à l’avertissement, particulièrement complexe et peu claire, n’éclairait pas utilement son consentement ;

—  qu’enfin, le visa exprès du régime dit Stemmer n’y apparaît à aucun moment.

Se trouve ainsi établi un manquement à l’obligation d’information :

—  tant de la part du vendeur, qui malgré sa dénégation, ne rapporte aucune preuve d’une information claire à ce sujet alors, en outre, que par les fonctions qu’il a exercées dans le conseil syndical à partir du mois d’octobre 2007 et encore en 2009, il était plus particulièrement en position de connaître cette spécificité, notamment à raison du fait qu’il a été en négociation avec la commune pour la restitution d’une partie du terrain du domaine ,

—  que de la part de l’agence qui se doit également d’informer l’acquéreur de la consistance et de la portée exactes des droits qu’elle propose à la vente et qui ne démontre pas l’avoir fait alors que les vendeurs ne justifient pas non plus à ce stade avoir, eux mêmes, donné d’information de ce chef, et que malgré ses allégations relativement à la facture de ses honoraires et la connaissance du règlement de copropriété par l’acquereur, aucun élément de son dossier ne vient établir que ces documents aient pu le renseigner à ce propos ni que dans le mandat signé qui liait les parties Mme Y ait pu envisager la situation,

—  que de la part du notaire qui ne saurait utilement opposer que l’avertissement était suffisant, ni reprocher à l’acquéreur de ne pas l’avoir interrogé plus avant en dépit des mentions de cette clause d’avertissement, étant à ce propos souligné que Mme Y ne lui fait pas le grief du régime juridique en place, mais lui reproche le fait de ne pas l’avoir averti par une rédaction claire de son acte sur l’existence de ce régime et sur ses conséquences ; que dans ces conditions, la question ne concerne pas l’obligation que le notaire a d’instrumenter, mais celle de donner aux parties à l’acte auquel il prêt son concours les éléments nécessaires à leur information, notamment lorsque ces éléments touchent à la nature des droits acquis sur le bien vendu sans qu’il puisse être prétendu qu’une telle obligation rendait le bien invendable; que la mise en perspective de la clause d’avertissement avec les autres clauses de l’acte définitif conduisait à une situation difficilement compréhensible pour un profane quant à la véritable nature des droits achetés ; qu’en outre, les conséquences juridiques du régime Stemmer étaient parfaitement établies et connues des professionnels à la date de la vente en ce que l’ensemble du bien reste indivis, y compris dans ses parties bâties et qu’aucune explication n’a donc été clairement donnée à ce sujet à l’acquéreur, peu important que le notaire ne fût pas, lui même l’auteur du montage.

Ces éléments caractérisent par ailleurs également l’existence de l’erreur invoquée par Mme Y de nature à vicier son consentement sans qu’il puisse lui être opposé la circonstance qu’elle aurait couvert le vice ainsi retenu au motif qu’elle décidé de conserver la propriété du bien, puis de le revendre le 12 septembre 2014.

Lire Sur la méthode "Stemmer" de copropriété horizontale

Référence: 

- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-1, 11 juin 2019, RG n° 17/15819