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Le 03 novembre 2020

 

Mme M. se prévaut d'une méconnaissance de la langue française ne lui ayant pas permis d'apprécier la portée des différents engagements souscrits par elle (cautionnements, acceptation des engagements du mari), ce que conteste la banque qui se prévaut de la validité des engagements.

Il est indifférent que cette prétention n'ai pas été soulevée en première instance dans la mesure où elle a pour but de faire écarter les prétentions adverses au sens de l'article 564 du code de procédure civile de sorte qu'elle est recevable en appel.

Il convient de rechercher si Mme M. a pu avoir conscience du sens et de la portée de ses engagements, faute de quoi leur nullité est encourue.

La pièce numéro 6 des appelants est un courrier notifiant à Mme M. un refus d'octroi de la nationalité française en date du 29 janvier 2007. Il est noté 'vous communiquez très difficilement en français, langue que vous ne savez lire et écrire qu'un peu. De plus, votre mari a été nécessaire lors de l'entretien pour communiquer'.

Il est ainsi clairement établi qu'à la date du 29 janvier 2007, les connaissances en français de Mme M. ne lui permettaient pas de souscrire des engagements tels un contrat de cautionnement et il convient de déterminer si la situation était identique lors des engagements litigieux postérieurs à cette date de moins de deux ans.

Mme M. justifie de ce qu'à la date du 22 mai 2014, soit à une date postérieure à tous les engagements litigieux, elle était toujours dans l'incapacité de comprendre la portée de tels engagements. Les pièces 7 et 8 établissent en effet qu'elle était à un niveau A1 de connaissance de la langue française, soit au premier stade, ce qui signifie que la personne peut comprendre à l'écrit des noms familiers, des mots et des phrases très simples sur des annonces, affiches ou catalogues, qu'elle ne maîtrise que des structures élémentaires qui lui permettent de mettre en oeuvre des capacités minimales de communication dans des domaines familiers. A l'oral, elle peut comprendre des mots familiers et des expressions très courantes la concernant, concernant sa famille ou son environnement concret et immédiat et si les gens parlent lentement et clairement. Elle peut rédiger une carte postale, remplir un questionnaire personnel, nom, nationalité, adresse.

En 2016, le niveau de Mme M. niveau demeurait d'ailleurs très faible, nécessitant 150 heures de cours (pièce 9).

Il est ainsi évident, au vu de ces éléments incontestables, qu'entre 2007 et 2014, date des deux évaluations du niveau de maîtrise de la langue française, et ainsi à la date de tous les engagements litigieux, Mme M. avait une connaissance de la langue française très faible qui ne lui permettait manifestement pas de comprendre la portée des contrats de cautionnement exigeant la lecture d'actes longs aux termes juridiques et complexes, étant souligné qu'aucun traducteur ou interprète n'est intervenu lors de la signature des actes litigieux. C'est donc vainement que la banque se prévaut des formules écrites qui auraient été portées par Mme M. sur les actes litigieux, alors qu'il n'est pas du tout certain que Mme M. a rédigé ces formules et que la reproduction servile d'une formule n'en fait en tout état de cause pas la preuve de leur compréhension.

En conséquence, les cautionnements donnés par Mme M. les 29 août 2008 et 6 octobre 2008 doivent être déclarés nuls et sont de nul effet, le jugement étant infirmé en ce sens.

D'autre part, aux termes de l'article 1415 du code civil, 'chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus, par un cautionnement ou un emprunt, à moins que ceux-ci n'aient été contractés avec le consentement exprès de l'autre conjoint qui dans ce cas, n'engage pas ses biens propres'.

Au vu de tout ce qui précède, l'acceptation donnée par Mme M. à l'engagement de son conjoint commun en biens pour les deux derniers cautionnements de 2010 et 2012, dès lors qu'elle était pareillement inapte à comprendre la portée de ces acceptations et notamment leurs incidences sur les biens communs, est également nulle et de nul effet.

Le jugement querellé est en conséquence infirmé et les acceptations de Mme M. aux engagements de son conjoint déclarés nuls.

Référence: 

- Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 22 octobre 2020, RG n° 20/00589