Le souscripteur de deux contrats d’assurance-vie avait procédé à la désignation des bénéficiaires des garanties décès par voie testamentaire en 1997. Il avait opté pour une clause démembrée et avait attribué l’usufruit à son conjoint et la nue-propriété à ses enfants.
Cette utilisation du testament est bien permise par l’arti. L. 132-8 du Code des assurances qui dispose « Cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l'article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ». Elle est tout autant admise par l’art. L. 132-25 du même code.
Par deux avenants datés des 1er septembre 2005 et 1er septembre 2006, le souscripteur modifia les clauses bénéficiaires, à la fois quant à l’identité et quant aux droits des bénéficiaires. Il désigna en effet son épouse bénéficiaire de premier rang et, à titre subsidiaire, trois de ses cinq filles.
À son décès, en application des clauses ainsi modifiées, les assureurs ont versé les capitaux au conjoint survivant. L’une des deux filles évincées a cio testé la validité des changements opérés en 2005 et 2006. Son intention était de redonner vigueur à la clause testamentaire, de manière à obtenir des droits sur le capital décès, sous forme d’une créance de restitution si la clause démembrée organisait une sortie en quasi-usufruit ou sous forme d’une nue-propriété en cas d’obligation d’emploi et de sortie en usufruit.
Sur le fond, il s’agissait de vérifier que le souscripteur avait exprimé une volonté claire et non équivoque. Il n’y avait semble-t-il guère de doute sur ce point. Sur la forme, en revanche, la fille déçue pensait partir au combat judiciaire armée de puissants arguments.
Déboutée en appel, la demanderesse a exercé un pourvoi et elle a avancé dans son premier moyen de son pourvoi, seul examiné par la Cour de cassation, deux arguments.
En premier, elle s’appuyait sur l’art. 1035 du Code civil , en vertu duquel, « les testaments ne pourront être révoqués, en tout ou en partie, que par un testament postérieur ou par un acte devant notaires portant déclaration du changement de volonté ». Elle en déduisait que le souscripteur d’un contrat d’assurance vie qui en a désigné le bénéficiaire dans un testament ne peut modifier cette stipulation que par l’une des formes prévues par le texte précité. Elle concluait donc à sa violation du texte par la cour d’appel.
En second, elle reprochait à nouveau aux juges du fond une violation de la loi, ceux-ci ayant affirmé que les règles édictées par le Code des assurances prévalent sur l’art. 1035 du Code civil par l’effet de la règle specialia generalibus derogant. Or, l’auteure du pourvoi considérait que celle-ci était hors de cause, faute de conflit, dans la mesure où, selon elle, l’art 1035 du Code civil concerne les rapports entre le testateur et ses héritiers alors que l’art. L. 132-8 du Code des assurances a pour objet les rapports entre l’assureur et le bénéficiaire.
La première chambre civile de la Cour de cassation 3 avril 2019) rejette le pourvoi. Elle considère que, « en l’état de ses énonciations et constatations, la cour d’appel a exactement décidé que les avenants modificatifs étaient valables, dès lors que la modification des bénéficiaires pouvait intervenir soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du Code civil, soit par voie testamentaire, sans qu’il soit nécessaire de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie pour la désignation initiale et celle retenue pour la modification ».