Il n'est pas contesté que la haie de bambous a été régulièrement taillée, élaguée jusqu'en 2014; il est tout autant admis qu'à la révélation du sinistre, la copropriété a procédé à son arrachage; c'est donc vainement que les assureurs GMF et Inter Mutuelles Entreprises invoquent un défaut d'entretien ou de surveillance ou encore que le syndicat des copropriétaires explique que M. Georges G. n'avait pas à installer une barrière anti rhizomes en 2003 mais que par contre les appelants devaient impérativement le faire ; enfin, la circonstance selon laquelle la haie litigieuse a servi de brise vue est indifférente, étant observé que l'occultation de la vue bénéficie aux deux propriétés planes.
La cour cherche encore en vain en quoi l'arrosage d'une parcelle pour y entretenir pelouse, plantations et arbres d'agrément serait constitutif d'une faute ; elle cherche tout autant le contenu de l'obligation de surveillance à laquelle auraient manqué M. Georges G. puis le syndicat des copropriétaires alors que les bambous n'ont jamais migré sur leur parcelle.
Aucune faute ou imprudence n'est établie à l'encontre de l'une ou l'autre des parties et l'action indemnitaire ne peut dès lors être fondée sur la responsabilité extra contractuelle ou du fait des choses.
En revanche, les époux F./M. sont fondés à invoquer le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble de voisinage instaurant une responsabilité objective obligeant l'auteur du trouble à en réparer les conséquences dommageables.
En effet, si l'article 544 du Code civil confère le droit de jouir « de la manière la plus absolue » des choses dont on est propriétaire, leur usage ne peut s'exercer en contrariété des lois et règlements, ni être source pour la propriété d'autrui, bénéficiant des mêmes prérogatives, d'un dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage ; l'anormalité s'apprécie en fonction des circonstances locales, de la destination normale et habituelle du fonds troublé, de la perception ou de la tolérance des personnes qui s'en plaignent, doit revêtir une gravité certaine et être établie par celui qui s'en prévaut. Le dommage s'entend pour les personnes de toutes dégradations des conditions de vie et pour les biens de tous désordres affectant le fonds voisin. S'agissant d'un régime de responsabilité autonome, fondé sur un fait objectif à l'exclusion de toute faute ou négligence, les dispositions des articles 1382 à1384 anciens du Code civil, aujourd'hui 1240 à 1242 lui sont inapplicables.
La gravité du trouble et donc son anormalité n'est discutée par personne et le coût des travaux pour y mettre un terme en révèle toute l'ampleur ; les experts amiables expliquent qu'à défaut d'intervention, la fosse septique avec épandage, le système de drainage périphérique de la maison, l'arrosage automatique enterré et enfin un jacuzzi « sont menacés par les rhizomes souterrains qui continuent leur progression ». Les intimés dont les dossiers sont vides de toute pièce technique n'apportent aucun démenti et pas même une contestation à ces conclusions, M. Georges G. soutenant toutefois curieusement qu'elles lui serait inopposables alors qu'il a comparu aux opérations d'expertise, a pu largement débattre des rapports qu'il invoque d'ailleurs au soutien de son argumentaire en page 9 de ses écritures.
En définitive, le débat ne porte que sur les travaux à entreprendre et l'indemnisation des appelants. Les experts amiables se sont accordés sur des travaux pour un montant total de 86'940 EUR incluant le décaissement indispensable et en profondeur des terres pour enrayer la prolifération des rhizomes, le sauvetage et la réimplantation des végétaux, l'apport de terre végétale, la réfection de la clôture et la mise en place une barrière anti rhizomes (Cf rapport du 18 novembre 2015). Si les intimés prétendent que d'autres solutions techniques moins onéreuses auraient pu être envisagées, la cour demeure dans leur ignorance faute de toute pièce et/ou devis à leurs dossiers ainsi qu'il a été dit ci-dessus ; les appelants ont produit pour leur part quatre nouveaux devis datés de juin 2018 largement supérieurs aux montants retenus par les experts qui dès lors ne peuvent être considérés comme excessifs et doivent être entérinés.
Enfin, la cour qui dispose des éléments d'appréciation suffisants et nécessaires pour apprécier le dommage n'a pas à parfaire le dossier probatoire des intimés, ce qui exclut nécessairement la désignation d'un expert judiciaire.
Les travaux vont aussi affecter l'usage du jardin inutilisable pour un tiers sur deux saisons ; de même la barrière anti rhizomes à mettre en place devant dépasser du sol sur une hauteur de 8 à 10 cm, la propriété va se trouver de fait coupée en deux, circonstances ne participant sûrement pas à son agrément. Le trouble de jouissance est donc certain et doit être évalué à la somme de 10'000 EUR
Le sinistre étant intervenu postérieurement à la création de la copropriété, seul le syndicat doit en répondre avec son assureur Inter Mutuelles Entreprises qui n'invoque aucune exclusion de garantie relative aux végétaux.
En revanche, c'est à tort qu'il conclut à une absence d'aléa au regard de ce qui précède dès lors que M. Georges G. dont la parcelle n'avait subi aucun dommage ne pouvait prévoir ou imaginer un sinistre qui ne sera déclaré qu'une année plus tard sauf à l'instaurer, comme les époux F./M. d'ailleurs, en spécialiste des bambous, ce que l'assureur ne prétend pas. En conséquence la connaissance d'un dommage réalisé au jour de la souscription du contrat d'assurance n'est pas établie.
Enfin, l'absence de toute faute d'entretien exclut un partage de responsabilité.
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re et 5e chambres réunies, 17 décembre 2020, RG n° 18/06076