Suivant bail commercial en date du 24 décembre 1993, la SCI SELVOSA GARAGE a donné en location à la SA FRANCE TELECOM un local commercial situé à [...], pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 1994.
Par lettre du 18 juin 2002, la SA FRANCE TELECOM a chargé la SCP T.-S.-J.-N.-L., huissiers de justice, de délivrer un congé pour mettre fin au bail commercial dont elle était titulaire.
Suivant acte du 21 juin 2002, délivré par l'un des huissiers de justice, membre de la SCP T.-S.-J.-N.-L., la SA FRANCE TELECOM a donné congé à la bailleresse pour le 31 décembre 2002, date d'échéance du bail.
L'huissier chargé de la délivrance d'un congé à l'initiative d'un preneur d'un local commercial, a incontestablement manqué à son obligation de conseil et a délivré un congé inefficace.
Il a en effet été définitivement reconnu que le congé délivré par l'huissier le 21 juin 2002 pour le 31 décembre 2002, était tardif pour avoir été délivré au mépris des usages locaux en vigueur à Cannes. Selon ces usages, le congé devait être délivré avant Pâques pour la Saint Michel, de sorte que le congé litigieux n'a pris effet qu'à partir du 29 septembre 2003, 9 mois après la date souhaitée par le preneur. L'huissier ne peut valablement prétendre que le courrier lui donnant mandat de délivrer congé a été établi par la direction de l'immobilier et des transports du preneur qui avait une connaissance approfondie des règles régissant les baux commerciaux et notamment des conditions de délivrance des congés, dès lors que les locaux de cette direction sont situés à Marseille et qu'elle ne pouvait donc connaître les usages cannois, contrairement à l'huissier. Ce dernier ne peut davantage invoquer le fait que le preneur lui avait donné des instructions tardivement, dans la mesure où dans sa lettre le preneur prenait le soin de demander à l'huissier de lui indiquer rapidement les démarches entreprises afin de garantir le respect des délais légaux.
Les condamnations prononcées contre la société preneuse fondées sur des dégradations anormales des locaux, sont toutefois sans lien avec la faute de l'huissier, dès lors que celles-ci résultent des fautes personnelles du preneur. Par ailleurs, le preneur ne démontre pas avoir été empêché de faire réaliser les travaux à moindre coût par ses services. S'agissant des loyers acquittés jusqu'à la date de prise d'effet du congé, le preneur ne saurait davantage en être indemnisé, dans la mesure où compte tenu de la date à laquelle il a mandaté l'huissier de justice, il aurait été redevable de ces loyers jusqu'à la date de prise d'effet effective du congé, même si l'huissier avait rempli son obligation de conseil.
Le préjudice indemnisable ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de n'avoir pas pu user des locaux du fait de son déménagement prématuré neuf mois avant la prise d'effet du congé. Toutefois, le preneur ne justifie pas de frais en sus du loyer, de sorte qu'il n'établit aucun préjudice.
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1 A, 20 février 2018, Numéro de rôle : 16/09333