Le Gouvernement entend-il « permettre aux notaires un déplacement à l'étranger pour faire signer un acte, notamment solennel, tout en conservant le caractère authentique de ce dernier » ? Le ministère de la Justice a répondu défavorablement à cette question parlementaire, tout en précisant que « la mise en place de la comparution à distance pour les procurations authentiques a été conçue comme la première étape d'une réflexion globale sur la mise en place de procédures à distance pour l'établissement des actes notariés ».
Interpellé « sur les difficultés qu'éprouvent les notaires à faire signer les actes notariés solennels de clients résidant à l'étranger », le ministère rappelle que l'extinction progressive du notariat consulaire coïncide avec une nouveauté majeure, introduite par le décret n° 2020-1422 du 20 novembre 2020 instaurant la procuration notariée à distance, et qui prévient en pratique la plupart des difficultés . Contrairement au décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 qui, en pleine période de crise sanitaire, avait permis l'établissement de l'acte notarié électronique à distance, le décret du 20 novembre 2020 est limité aux procurations.
Toutefois, comme le souligne le ministère, cette possibilité ouvre de larges perspectives puisque de nombreux actes notariés peuvent être conclus sur procuration, qu'ils soient prévus sous forme notariée à peine de nullité ou non. Après échange des informations nécessaires à l'établissement de l'acte et le recueil du consentement des parties par le notaire, celui-ci recueille la signature électronique des parties au moyen d'un procédé de signature électronique qualifiée conforme au décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017. La procuration est conclue lorsque le notaire instrumentaire y appose sa propre signature. Le notaire peut alors représenter son mandant pour l'établissement de l'acte envisagé, qui peut être un acte solennel.
Ainsi, et dans ce contexte, le ministère considère qu'« autoriser les notaires français à instrumenter à l'étranger est une option qui semble poser davantage de difficultés qu'elle n'en résoudrait ».
Tout d'abord, « au plan des principes du droit international, le f) de l'article 5 de la convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires prévoit que les fonctions consulaires consistent notamment à agir en qualité de notaire. Ces stipulations semblent donc réserver l'exercice des fonctions notariales à l'étranger aux autorités consulaires, sous réserve des conventions bilatérales qui trouveraient à s'appliquer ».
Par ailleurs, en vertu du principe de réciprocité, « permettre aux notaires français d'instrumenter à l'étranger impliquerait pour les autorités françaises de permettre aux notaires étrangers d'instrumenter en France. À tout le moins, la France s'exposerait à des demandes en ce sens ».
Enfin, le ministère précise que « cette mesure poserait d'immanquables difficultés juridiques et pratiques sur l'exercice à l'étranger des missions de notaire, difficultés qui résulteraient tant de leur qualité d'officier public et ministériel que de l'organisation et du fonctionnement de la profession en termes de rémunération, de modes d'exercice ou d'organes de contrôle ». C'est pourquoi, si le Gouvernement « n'entend pas, à ce jour, permettre aux notaires français d'instrumenter hors du territoire national », le ministère indique que les premiers retours de la profession et des usagers sur la mise en place de la comparution à distance pour les procurations authentiques « devront permettre de faire le bilan des bénéfices et des risques observés afin, s'il y a lieu, d'en envisager le déploiement plus large ».
- Rép. min. n° 42204 . J.O. A.N. Q 29 mars 2022, p. 2114