Pour la construction de sa villa en bordure de mer, domaine de la Madrague à Saint-Cyr-sur-Mer (Var), Alain confiait aux architectes Roch et Jean-François, tous deux assurés auprès de la MAF, une mission de maîtrise d'oeuvre.
Aucune demande de transfert du permis de construire, ou de permis modificatif n'a été formulée.
Les opérations de construction ont néanmoins débuté au cours de l'année 1989, sans qu'il soit justifié de l'établissement et du dépôt d'une déclaration réglementaire d'ouverture de chantier.
Le 24 avril 1990, un fonctionnaire de la direction départementale de l'équipement a dressé procès-verbal à l'encontre de Alain pour infractions aux dispositions du code de l'urbanisme, au motif que les travaux de construction d'une villa dont le gros oeuvre est en cours d'achèvement, sont en cours de réalisation sans permis de construire dans un espace boisé classé.
Les deux architectes, chargés de la maîtrise d'oeuvre de la construction de la villa dont la démolition a été ordonnée, ont manqué à leur devoir d'information et de conseil. Il leur appartenait de mettre en garde le maître de l'ouvrage en l'avertissant de la nécessité de demander à son profit le transfert du permis de construire accordé au vendeur du terrain et, compte tenu des modifications apportées au projet initial, de lui indiquer qu'il convenait de solliciter un permis de construire modificatif. Pour cette opération de construction d'une villa en bordure de mer, dans un site protégé, les architectes chargés d'une mission de maîtrise d'oeuvre qu'elle soit de conception ou d'exécution, devaient être particulièrement vigilants quant aux règles d'urbanisme applicables. Même si le maître de l'ouvrage entendait implanter sa villa à un autre endroit que celui prévu dans le permis de construire délivré à son vendeur, procéder à d'importantes modifications du volume et de l'aspect de la villa à construire, les architectes, en leur qualité de professionnels, devaient l'informer de la nécessité de formuler d'abord une demande de transfert, puis de permis de construire modificatif. Le second architecte intervenu sur les lieux, même s'il succédait à un autre architecte, devait, en sa qualité de professionnel, vérifier que l'implantation de la villa était conforme aux documents d'urbanisme, en procédant à toutes les diligences utiles et notamment à l'étude des différents plans établis. Avant même de poursuivre ce chantier, il lui appartenait d'informer le maître de l'ouvrage de la nécessité de respecter les règles d'urbanisme, quel que soit l'insistance du maître de l'ouvrage souhaitant une implantation lui permettant de bénéficier de la meilleure vue sur mer, et donc, de remplir son devoir de conseil et d'information, et, au cas où le maître de l'ouvrage entendait passer outre, de refuser de remplir sa mission de maître d'oeuvre en violation des prescriptions d'urbanisme.
Les architectes sont responsables in solidum des dommages subis par le maître de l'ouvrage à la suite de la démolition de la construction dans une proportion de 60 %, le maître de l'ouvrage en étant responsable à hauteur de 40 %. En effet, ayant acheté un terrain à bâtir en bordure de mer, dans une zone protégée, il se devait d'être particulièrement vigilant dans le choix de l'implantation de sa villa et du type de construction. Par ailleurs, alors que la première décision pénale ne comportait aucune condamnation à démolir, il a choisi d'interjeter appel, s'exposant ainsi à une décision pouvant être plus sévère et comportant donc la démolition de l'ouvrage, ce qui s'est d'ailleurs produit.
Les préjudices subis par le maître de l'ouvrage sont réparés à hauteur de 536 400 EUR de dommages et intérêts (331 200 EUR au titre de la perte du caractère constructif du terrain, 105 000 EUR au titre du préjudice de jouissance, 90 000 EUR au titre des pertes financières annexes et 10 200 EUR au titre du préjudice moral).
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3 B, 15 décembre 2016, Numéro de rôle : 14/12811