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Le 10 novembre 2006
La plupart des avant-contrats comportent deux dates limites, l'une pour la réalisation des conditions suspensives convenues, l'autre plus lointaine de quelques semaines en général, pour la signature de l'acte notarié de la vente. La première ne pose pas beaucoup de difficultés d'application. Si, à la date indiquée, toutes les conditions suspensives n'ont pas été réalisées, la convention n'existe plus (articles 1176 et 1177 du Code civil). Les seules questions seront de savoir si l'une des parties n'a pas fait échouer la réalisation d'une ou plusieurs conditions suspensives (article 1178), si la partie au bénéfice de laquelle la condition existait n'y a pas renoncé ou pourquoi, éventuellement, les justificatifs de la réalisation avant la date butoir n'ont pas été apportés spontanément En revanche il faut rechercher si la date limite pour passer l'acte notarié a un caractère suspensif ou un caractère extinctif. Le terme constitué par la date fixée pour la passation de l'acte notarié peut en effet être taxé de caractère suspensif ou de caractère extinctif. Dans le contexte envisagé, le terme est généralement considéré comme suspensif. Le fait de prévoir une date butoir, un délai déterminé pour la signature de l'acte authentique est généralement analysé par la jurisprudence comme la stipulation d'un terme suspensif (Cour de cassation, 3e Chambre civ., 27 novembre 1969; Bull. civ. III, n° 772 - 23 janvier 1991; Bull. civ. III, n° 39). Il ne peut s'agir cependant d'une règle absolue. Il appartient aux tribunaux d'interpréter dans chaque cas la volonté des parties. Lorsque la date de signature de l'acte notarié constitue un terme suspensif, les conséquences en sont: la vente est formée au jour du compromis, si les conditions suspensives sont réalisées. Il en découle que les délais pour exercer les diverses actions pouvant être intentées à l'encontre du contrat de vente courent de la date du compromis; les causes de déchéance du terme (par exemple la diminution des sûretés (article 1188) peuvent être invoquées; - l'exécution des obligations résultant de la vente (paiement du prix, éventuellement transfert de propriété et entrée en jouissance) est retardée à la date de conclusion de l'acte authentique; tant que le terme n'est pas arrivé, le créancier de l'obligation, le vendeur, ne peut pratiquer de saisie puisqu'il n'a pas de créance liquide et exigible. Il peut cependant (moyennant autorisation de justice) prendre des mesures conservatoires; une fois le terme arrivé, si l'une des parties ne s'exécute pas, l'autre a le choix soit de demander l'exécution forcée soit de demander la résolution de la vente (après la mise en demeure indiquée plus loin). Si l'acte authentique est signé, la vente produit tous ses effets, sans rétroactivité. Mais quelques fois, le terme est extinctif. Il est admis que l'établissement de l'acte authentique puisse jouer comme un terme extinctif. Pour cela, il suffit que les parties en conviennent, expressément, sans aucune ambiguïté. Le dépassement de la date convenue peut entraîner la caducité du compromis si les parties l'ont conventionnellement prévu (Cour de cassation, 3e Chambre civ., 11 octobre 1978; Bull. civ. III, n° 34). La simple et seule stipulation dans l'avant-contrat d'un délai pour la signature de l'acte authentique ne permet pas de considérer que le compromis est caduc une fois ce délai expiré. Lorsque la conclusion de l'acte authentique constitue un terme extinctif, l'absence d'authentification de la vente dans le délai prévu va alors jouer en quelque sorte comme une condition résolutoire. L'acquéreur est devenu propriétaire mais s'il ne signe pas l'acte authentique dans le délai, il perd sa propriété. La situation a l'énorme inconvénient de générer une double mutation au plan fiscal, ce qui explique qu'il est rare que la convention soit retenue. La situation de l'acquéreur sera identique à celle où le compromis constate une vente ferme qui est résiliée par la suite par l'effet d'une condition résolutoire, d'une clause résolutoire de plein droit, ou en vertu d'une décision de justice. Les droits sont dus sur la vente elle-même, et ils ne sont pas restituables si la vente devient ultérieurement caduque. La responsabilité du notaire peut être éventuellement engagée, si le dépassement du délai prévu lui est imputable (Cour d'appel de Paris, 6 juin 1986). Aussi, en la matière, il vaut mieux éviter de jouer les apprentis sorciers en accédant au désir du vendeur d'être impérativement libéré de son obligation si à la date convenue l'acte notarié n'est pas signé. Il vaut mieux, au moins au point de vue fiscal, suivre la voie tranquille qui consiste à ne pas donner de caractère extinctif à la date de passation de l'acte notarié. Si alors (après atteinte de la date), l'une des parties est défaillante, les conditions suspensives étant réalisées, la partie non défaillante enverra à l'autre une sommation de signer dans un délai convenu. Ce n'est qu'après cette sommation, restée infructueuse que chacun pourra reprendre sa liberté et les règlements de comptes pourront commencer, à défaut de demande de constat de la vente en justice.