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Le 19 janvier 2013
{{{Sur la renonciation à la clause d'inaliénabilité}}}
Les époux P, appelants à titre incident concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a refusé de prendre acte de la renonciation des époux H à la clause d'inaliénabilité alors que cette renonciation résulte des mentions figurant dans le procès-verbal de bornage amiable du 3 déc. 2008 dressé par Madame G, géomètre expert, cette pièce constituant un commencement de preuve par écrit de la renonciation corroboré par le témoignage écrit de deux de leurs enfants et par des indices concordants.
Les époux H sollicitent la confirmation du jugement sur ce point.
{{Mais la renonciation à un droit ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté abdicative de son titulaire}}.
En l'espèce, la clause de style insérée dans le procès-verbal de bornage amiable et imposant aux propriétaires respectifs de produire ce bornage en cas de vente ultérieure des parcelles délimitées ne peut valoir comme preuve de la renonciation alléguée.
De même les témoignages des propres enfants des époux P, Vincent et Virginie, ne peuvent suffire à établir l'accord non équivoque de leurs deux grands-parents ; les prémisses d'un accord conditionnel en vue d'une renonciation n'ayant été données oralement le 27 sept. 2008 que par Françoise H, en l'absence de son époux, et sans valoir engagement de leur part.
Les époux P ne démontrent pas l'existence d'actes non équivoques de renonciation des époux H à la clause d'inaliénabilité et le jugement sera complété de ce chef.
{{{Sur la disparition de l'intérêt supérieur et légitime et/ou l'existence d'un intérêt plus important}}}
Les époux H concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu une disparition de la cause de la clause d'inaliénabilité et l'existence d'un intérêt supérieur des donataires.
Ils rappellent que la charge de la preuve de l'intérêt supérieur pèse sur le donataire et non sur les donateurs et que la volonté d'éviter le morcellement d'une propriété constitue une cause morale valable à la clause d'inaliénabilité. Ils soutiennent qu'en l'espèce, la cause morale existe et défendent leur attachement à l'unité foncière qu'ils se sont constituée avec le temps expliquant que les ventes auxquelles ils ont procédé récemment ne concernaient que des terres non attenantes à leur domaine, ce que les époux P. contestent. Ils rappellent que Gilles P, séparé de biens de Marie-Laure H est un tiers au partage et que son intérêt importe peu, seul comptant celui de leur fille.
Les époux P concluent à la confirmation du jugement et ajoutent en appel l'argument tiré de l'exploitation de la cave particulière construite sur le terrain de Nézignan.
Selon l'art. 900-1 du Code civil "{les clauses d'inaliénabilité affectant un bien donné ne sont valables que si elles sont temporaires et justifiées par un intérêt sérieux et légitime ; que même dans ce cas le donataire peut être judiciairement autorisé à disposer du bien si l'intérêt qui avait justifié la clause a disparu ou s'il advient qu'un intérêt plus important l'exige}."
En l'espèce, l'acte de partage contient une clause prévoyant que "le donateur se réserve expressément le droit de retour prévu par l'article 951 du code civil sur tous les biens par lui donnés, pour le cas où les donataires copartagés ou l'un d'eux viendraient à décéder avant lui sans enfant ni descendant ou pour le cas encore où les enfants ou descendants desdits donataires copartagés viendraient eux-mêmes à décéder sans postérité avant le donateur."
L'acte stipule en outre que "{en raison de la réserve du droit de retour ci-dessus stipulée, les donataires s'interdisent formellement d'aliéner, d'hypothéquer ou remettre en antichrèse les immeubles compris dans la présente donation partage, pendant la vie du donateur et sans son consentement à peine de nullité des aliénations, hypothèques ou antichrèses et de révocation de la donation}."
La cause de la clause d'inaliénabilité, telle que précisée dans l'acte de donation partage, repose sur l'hypothèse de pré-décès des donataires ou de leurs enfants vis-à-vis des donateurs.
À l'époque du partage en 1995 les époux H. avaient 51 et 52 ans et leur fille était âgée de 31 ans. Elle avait déjà deux enfants âgés de 4 et 7 ans.
À ce jour, les époux H ont 67 et 68 ans.
Leur fille est âgée de 48 ans et a mis au monde deux enfants supplémentaires nés respectivement le 16 oct. 1995 et le 29 juin 1999 de sorte que l'hypothèse d'un pré-décès par rapport aux donateurs des quatre enfants P. et de leur mère est hautement improbable.
En outre, la cause morale mise en avant par les époux H et résultant d'un attachement à l'unité foncière du domaine ne résiste pas à l'examen des documents du dossier et en particulier du plan cadastral.
Mais surtout, Marie-Laure P justifie d'un intérêt plus important que ceux ayant présidé à la mise en oeuvre de la clause d'inaliénabilité.
En effet, elle a emprunté le 20 juill. 2007 avec son mari, dont elle est séparée de biens, une somme de 250.000 euro auprès du crédit agricole en vue de faire construire leur résidence principale à Nézignan L'Evèque où Gilles P a recentré son activité viticole.
Il est vain pour les époux H de critiquer le choix d'établissement de la famille P. sur Nézignan l'Evèque ; ce choix procède en effet d'une liberté fondamentale qu'il n'appartient ni aux époux H ni à la cour de remettre en question.
La charge d'emprunt de 1.665,40 euro par mois sur 240 mois minimum (300 mois maximum) alors que Marie-Laure P perçoit un revenu de 1.193,63 euro (valeur 2008) en qualité de secrétaire de réception et que Gilles P justifie de très faibles revenus (avis d'imposition de 2007 édité le 30 août 2008 montrant un revenu fiscal de référence de 13.206 euro pour le couple) rend impérieuse la cession des parcelles reçues en donation afin de préserver l'équilibre économique et social de la famille.
Il importe peu que la maison construite sur les parcelles reçues en donation soit louée ou non, les revenus justifiés du couple P augmentés de leurs charges de famille (4 enfants) étant incompatibles avec les frais fixes liés à la conservation et à l'entretien concomitants de deux maisons et de leurs terrains attenants.
Enfin, l'importance du conflit opposant la fille et le gendre à leurs parents et beaux-parents depuis 2006, dont témoigne notamment l'incident du feu de sapinettes, démontre de plus fort l'existence d'un intérêt supérieur à la réalisation de la cession.
C'est donc à bon droit que le premier juge a autorisé la vente par Marie-Laure H épouse P de la parcelle située [...], anciennement cadastrée section A n° 954 et devenue les parcelles section A n°1084 et 1085, et a ordonné la publication du jugement à la conservation des hypothèques de Béziers.
Référence:
Référence:
- C.A. de Montpellier, 1re Ch., sect. section A O1, 10 janv. 2013 (R.G. N° 11/01210), inédit