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Le 11 avril 2022

 

Jean G., auteur de bandes dessinées connu également sous les pseudonymes de "Moebius" et de "GIR", est décédé le 10 mars 2012, laissant notamment comme ayant droit Mme Isabelle C., sa veuve, également gérante de la société Moebius production Jean G. constituée le 10 juillet 2001 avec pour unique associé Jean G., et qui a notamment pour objet de "regrouper et canaliser certaines activités créatives de Jean G. telles que les expositions, les dessins et peintures... les droits d'auteur y afférent... la prise, l'acquisition, l'exploitation on la cession de tous procédés et brevets concernant ces activités... et généralement, toutes opérations industrielles, commerciales, financières, civiles, mobilières... pouvant se rattacher directement ou indirectement à l'objet social".

Par contrat du 22 décembre 2002, Jean G. avait confié à la société Moebius alors dénommée Eurl Jean G., la mission notamment de poursuivre les contrefaçons, les faussaires et les auteurs de vols.

Mme G. soutenant avoir découvert fin octobre 2012, alors que l'inventaire de succession de Jean G. était en cours, que 8 dessins en noir et blanc à connotation érotique et un dessin représentant un jazzman réalisés par Jean G. étaient mis en vente par la société Artcurial, a déposé une plainte pénale le 13 novembre 2012 auprès du commissariat de police de Montrouge pour vol, recel de vol et contrefaçon. L'enquête pénale qui a révélé que la société Artcurial avait reçu un mandat de vente de Mme Tatiana F., laquelle a été auditionnée, a été clôturée par un classement sans suite en l'absence de qualification pénale des faits, et les dessins saisis ont été restitués à Mme F. le 29 novembre 2012.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 novembre 2015, le conseil de Mme G. a mis en demeure Mme F. de lui restituer 72 oeuvres, demande à laquelle elle s'est opposée par courrier du 6 novembre 2015 en indiquant qu'elle n'était pas dépositaire de ces oeuvres et qu'à supposer qu'elle le soit, elle ne comprenait pas sur quel fondement elle devrait les restituer puisqu'elle en serait propriétaire.

C'est dans ces circonstances que Mme G. et la société Moebius ont assigné Mme F. devant le tribunal de grande instance de Paris par acte du 21 septembre 2016 en revendication de 72 oeuvres de Jean G..

Le possesseur qui prétend avoir reçu une chose en don manuel bénéficie d'une présomption et il appartient à celui qui revendique la chose de rapporter la preuve de l'absence d'un tel don ou de prouver que la possession dont se prévaut le détenteur de la chose ne réunit pas les conditions légales pour être efficace.

Le caractère érotique de 8 des 9 oeuvres litigieuses, dont il n'est pas démontré qu'elles représenteraient l'épouse de l'artiste, la circonstance que les dessins dédicacés au donataire sont de facture plus légère et l'aveu de celle-ci selon lequel elle n'appréciait pas particulièrement les oeuvres litigieuses, ne sont pas exclusifs d'un don manuel à son profit eu égard aux liens de confiance et de proximité entre l’artiste et ledit donataire « marraine de son fils. Pour être efficace, la possession doit être continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

Les circonstances de la vente des neuf oeuvres litigieuses, quelques mois après le décès de l'artiste et sans avoir sollicité d'écrit de ce dernier de son vivant, ne suffisent pas à caractériser le caractère clandestin de la possession, puisque le donataire qui a acquis la certitude au moment de l'entrée en possession de ces oeuvres qu'elle en était devenue la propriétaire, compte tenu du contexte du don manuel et en particulier des relations de confiance entretenues avec l'auteur et l'existence d'autres dons manuels, n'avait pas à rappeler ce don manuel, et qu'elle s'est comportée en propriétaire de ces oeuvres qu'elle a conservées à son domicile, comme les autres oeuvres données par l'artiste, avant de les mettre en vente en accordant sous son nom un mandat de vente.

Compte tenu de la bonne foi du donataire, la prescription de l'article 2276 alinéa 2 du code civil pour dépassement du délai préfix est applicable, et l'action exercée au-delà de ce délai est irrecevable s'agissant des neuf oeuvres litigieuses.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 4, chambre 13, 19 Janvier 2022, RG n° 19/05923