Le 25 novembre 1974, les époux Louis et Yvonne. ont fait donation à leur fille Anne, chacun pour moitié, d'un terrain dépendant de leur communauté légale, d'une contenance de 16 ares 47 centiares, rapportable en moins prenant pour sa valeur au jour de la donation, fixée à 15.000 francs. La donataire déclarait dans l'acte avoir obtenu, un permis de construire délivré le 22 août 1974 portant sur la construction d'une maison d'habitation sur le terrain donné, construction qu'elle s'engageait à y faire édifier. L'état de la parcelle donnée était donc celle d'un terrain déjà constructible.
La donation s'analyse en donation assortie d'une clause de rapport forfaitaire. Il s'ensuit qu'elle n'est rapportable conformément à l'article 860 alinéa 4 du Code civil que pour sa valeur fixée à l'acte, le surplus s'imputant exclusivement sur la quotité disponible. La demande de M. J., le fils et frère tendant à ce que le rapport dû par sa soeur soit de la valeur actuelle du bien donné calculée sur la base d'un terrain constructible ne peut en conséquence être admise.
En revanche, la donation, pour sa valeur excédant la valeur sujette à rapport fixée à l'acte, s'analyse en un avantage hors part successorale qui doit être évalué, pour vérifier l'atteinte éventuelle à la réserve, selon la valeur actuelle du terrain nu constructible. Elle ne peut en effet être retenue par l'héritier venant à partage que jusqu'à concurrence de la quotité disponible, l'excédent étant sujet à réduction. M. J. est dès lors recevable à exercer, le cas échéant, l'action en réduction de l'article 922 du Code civil si la libéralité hors part successorale reçue par sa soeur excède la quotité disponible qu'il incombera au notaire de calculer.
Pour calculer la quotité disponible et vérifier l'absence d'atteinte à la réserve, ces dispositions prévoient que "Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant". Dès lors que la parcelle était déjà constructible au moment de la donation puisque la donataire était titulaire d'un permis d'y construire une maison d'habitation, peu important sa situation au regard des règles d'urbanisme, le notaire devra intégrer dans la masse servant de calcul à la quotité disponible la valeur actuelle de la parcelle donnée par la de cujus en tant que parcelle constructible, aucune modification de cet état n'étant survenue entre la date de la donation et l'ouverture de la succession s'agissant d'une parcelle déjà constructible au moment de la donation et portant actuellement une construction. De même l'avantage non rapportable éventuellement sujet à réduction reçu par Mme Anne correspondra à la différence entre la valeur au jour du partage de la parcelle donnée par la de cujus, évaluée en tant que parcelle nue destinée à porter une construction, et le montant du rapport.
- Cour d'appel de Rennes, 1re chambre, 16 Juin 2020, RG n° 18/04737