Selon l’art. 618 du Code civil, l’usufruit peut aussi cesser par l’abus que l’usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d’entretien.
Il ne peut être reproché à Mme J C, mère, d’avoir dilapidé la somme de 1 170 000 € sur laquelle elle prétendait disposer d’un quasi-usufruit, et de s’être mise, en organisant son insolvabilité, dans l’impossibilité de la représenter lorsque prendrait fin son usufruit. En effet, il résulte des déclarations qu’elle a faites aux agents des douanes, le 23 décembre 2004, que cette somme a été déposée sur un compte ouvert à son nom à la banque générale du Luxembourg qui lui servait un intérêt au taux de 2,25 %. Il n’y a donc pas lieu de rétracter l’arrêt du 2 juillet 2018 en ce qu’il a rejeté la demande de Mme I C, la fille, tendant à voir prononcer la déchéance partielle de l’usufruit de sa mère.
Par ailleurs, s’il résulte du compte établi par la société Cabinet Meurtin, syndic de l’immeuble situé […], que Mme J C, chargée par ses co-indivisaires de la gestion d’un appartement compris dans cet immeuble ne s’acquittait pas rigoureusement du montant des charges de copropriété de sorte qu’au 1erjuillet 2017, son compte était débiteur de la somme de 8 303,19 €, cette faute de négligence n’est pas suffisamment grave pour justifier le prononcé d’une sanction telle que la déchéance de l’usufruit.
Il est stipulé dans la promesse de vente du 19 avril 2017, à laquelle était parties Mme J C et ses trois enfants, ainsi la société Siraphije, représentée par Mme J C, que le bien immeuble situé rue St Julien à E, dont les lots n° 5 et 7 sont visés dans la convention d’indivision, était à cette date dépourvu de syndic et de carnet d’entretien, et qu’en outre, l’installation électrique des appartements avait plus de quinze ans. Cependant, alors qu’un immeuble en copropriété n’est pas nécessairement géré par un syndic professionnel, et peut l’être par un syndic bénévole à condition qu’il soit copropriétaire, le fait de vendre l’immeuble en l’état plutôt que d’y effectuer des travaux de réparation procède d’un choix de tous les indivisaires. Enfin, l’absence de contrat d’entretien ne peut à lui seul justifier une sanction telle que la déchéance de l’usufruit. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a refusé de prononcer une telle sanction.
Mme I C reproche à sa mère d’avoir dilapidé les actifs de la succession de M. M C pour les placer dans des sociétés luxembourgeoises, et d’avoir, à cette fin créé la société de droit luxembourgeois dénommée RPJ. Sur ce point, elle indique que Mme J C a acquis successivement un immeuble situé à Longlaville au prix de 320 000 €, un immeuble situé à Luxembourg au prix de 600 000 €, et une maison en Espagne pour un prix encore inconnu. En affirmant que Mme J C, qui est sans activité professionnelle, n’a pu acquérir de tels biens qu’en prélevant des actifs de la succession de M. M C, Mme I C procède toutefois par voie de pure allégation.
Mme I C reproche encore à sa mère un défaut d’entretien de deux immeubles situés, l’un 3 place du 24 juillet à Longlaville, l’autre rue Henrion à Y. Toutefois, il ne résulte pas de la déclaration de succession établie le 30 avril 2008 que de tels biens soient compris dans l’actif de la communauté ayant existé entre les époux C-X, ou dans l’actif de la succession de M. M C.
Elle soutient aussi qu’au mépris des dispositions de l’art. 595 du Code civil, elle a consenti un bail commercial sans l’accord des nus propriétaires. Sur ce point, il résulte de l’acte du 13 mai 2003 que ce bail a été consenti par Mme J C en sa qualité de gérante de la société Siraphije qui était propriétaire d’un local à usage commercial situé 86 rue Saint-Nicolas à E. Aucune faute ne peut être reprochée à Mme J C puisque, selon l’acte de donation du 8 juin 2002, son usufruit portait sur les parts sociales de la société, et non sur l’immeuble lui-même de sorte qu’elle n’était pas tenue, pour consentir ce bail, d’obtenir l’accord de ses enfants, donataires de la nue propriété de ces parts.
Mme I C soutient enfin que la société Siraphije, qui possédait dix appartements ou locaux pouvant rapporter au moins 65 000 €, n’a déclaré comme revenus locatifs bruts que 18 466 € pour l’année 2009, 22 017 € pour l’année 2010, 1 4 735 € pour l’année 2012 et 14 900 € pour l’année 2013. Cependant, l’examen de l’acte de donation partage du 8 juin 2002 par lequel les époux C-X ont donné à chacun de leurs enfants un tiers de la nue propriété des 297 parts sociales de la société Siraphije révèle que celle-ci avait acquis, non pas dix appartements ou locaux, mais trois appartements situés 12 rue Saint-Julien à E, et une maison à usage de commerce et d’habitation située […] à E. En l’état de ces éléments, le montant des loyers perçus par Mme J C en qualité d’usufruitière n’est pas de nature à démontrer, comme le prétend l’appelante, un délaissement du patrimoine, ou une altération de sa substance au sens de l’article 618 du code civil.
En conséquence, il n’y a pas lieu de rétracter l’arrêt du 2 juillet 2018 en ce qu’il a rejeté la demande tendant à voir prononcer la déchéance de l’usufruit de Mme J C.
- Cour d'appel de Nancy, 1re chambre, 11 février 2020, RG n° 18/02596