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Le 15 octobre 2022

 

Lorsque, après s’être acquitté, en application de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, de son obligation de proposer l’acquisition du bien à l’ancien propriétaire, qui y a renoncé, le titulaire du droit de préemption propose cette acquisition à l’acquéreur évincé, qui l’accepte, celui-ci n’est plus recevable à demander l’annulation de la vente conclue avec l’ancien propriétaire à compter de la date de la conclusion de la promesse de vente.

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Par acte du 22 juin 2010, la société Voestalpine Rotec France (la société VARF), propriétaire d’un immeuble situé sur le territoire de la commune d'[Localité], a consenti à la société Le Bouraq, devenue la société Sofiadis, un bail dérogatoire assorti d’une promesse unilatérale de vente au prix de 1.300.000 EUR.

Le 13 février 2012, la commune a notifié sa décision d’exercer son droit de préemption.

Le 23 février 2012, dans le délai imparti par la promesse, qui avait été prorogé, la société Sofiadis a levé l’option.

Selon acte authentique du 14 décembre 2012, la société VARF a vendu l’immeuble à la commune.

Par un arrêt confirmatif du 26 juin 2015, devenu définitif, la cour administrative d’appel de Paris a annulé la décision de préemption.

La société VARF ayant refusé la rétrocession du bien, qui lui avait été proposée conformément aux dispositions de l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, la commune l’a proposé à la société Sofiadis, avec laquelle elle a conclu, le 8 septembre 2015, une promesse de vente.

La société Sofiadis a assigné la société VARF et la commune pour faire annuler la vente du 14 décembre 2012 et faire déclarer parfaite la vente qu’elle avait précédemment conclue avec la société VARF.

La. La société VARF ayant été radiée du registre du commerce et des sociétés, la société Voestalpine Rotec GmbH (la société Voestalpine) a été désignée en qualité de mandataire ad hoc pour la représenter.

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La société Sofiadis fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer parfaite la vente à son profit de l’immeuble par la société VARF aux conditions de la promesse du 23 février 2012, alors :

« 1°/ que l’annulation de la préemption exercée de manière illicite implique que le préempteur soit réputé ne jamais avoir été propriétaire du bien ; que ce préempteur n’a pu, en conséquence, transférer valablement le bien litigieux, puisqu’il en a jamais eu la propriété ; que, pourtant, après avoir constaté que, à la suite de l’annulation de la préemption « la commune d'[Localité 4] est réputée n’avoir jamais été propriétaire du bien », la cour d’appel a retenu que la société Sofiadis avait « acquis l’immeuble litigieux à la suite de la procédure prévue par l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme organisant le sort du bien acquis à la suite d’une décision de préemption déclarée nulle ou illégale » ; qu’en statuant ainsi, par des motifs qui excluent la qualité de propriétaire de la commune, tout en reconnaissant que la commune ait pu valablement transférer la propriété du bien à la société Sofiadis, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la force obligatoire du contrat s’impose tant aux parties qu’au juge, qui en est le garant ; que la cour d’appel a annulé la vente conclue le 14 décembre 2012 entre la société VARF et la commune redonnant force obligatoire à l’acte initialement conclu entre la société VARF et la société Sofiadis, acheteur évincé ; que la cour d’appel a par ailleurs constaté que le 23 février 2012 la société Sofiadis avait demandé au vendeur la réalisation de la vente à son bénéfice ; qu’elle a pour autant refusé de prononcer le perfectionnement de la vente ; qu’en statuant ainsi, en privant l’acte de sa force obligatoire, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses propres constatations, a violé l’article 1134 dans sa rédaction applicable à la cause, devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour de cassation

Ayant relevé qu’à la suite de la mise en oeuvre de la procédure prévue par l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, la société Sofiadis avait, le 8 septembre 2015, conclu avec la commune une promesse de vente, la cour d’appel en a exactement déduit que cette société n’était plus fondée à réclamer l’exécution de la promesse de vente portant sur ce même immeuble, que lui avait consentie la société VARF le 22 juin 2010.

Et :

La société Voestalpine, ès qualités, a fait grief à l’arrêt d'appel de déclarer recevable la demande de la société Sofiadis et d’annuler la vente conclue le 14 décembre 2012 entre la société VARF et la commune, alors « que dans le cas où l’ancien propriétaire a renoncé expressément ou tacitement à l’acquisition du bien dont la décision de préemption a été annulée, le titulaire du droit de préemption propose également l’acquisition à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien ; qu’il était constant en l’espèce que la société VARF avait renoncé à l’acquisition que lui avait proposée la commune après l’annulation de décision de préemption, et que la commune était restée en conséquence seule propriétaire de l’immeuble dont elle devait proposer l’acquisition à la société Sofiadis, ce qu’elle avait fait, une promesse ayant été signée entre les parties ; qu’en énonçant de façon erronée et contradictoire, pour annuler la vente conclue entre la société VARF et la commune, que celle-ci était réputée ne jamais avoir été propriétaire du bien, et que la société Sofiadis avait acquis l’immeuble litigieux à la suite de la procédure prévue par l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme, la cour d’appel a violé, par fausse application, l’article L. 213-11-1 du code de l’urbanisme. »

Réponse de la Cour au visa des articles 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et L. 213-11-1 du code de l’urbanisme :

Selon le premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En application du second, lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption doit proposer l’acquisition du bien en priorité aux anciens propriétaires ou à leurs ayants cause universels ou à titre universel, et, en cas de renonciation expresse ou tacite de ceux-ci à l’acquisition, à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien, lorsque son nom était inscrit dans la déclaration d’intention d’aliéner.

 Il résulte de ces textes que, lorsque, après s’être acquitté de son obligation de proposer l’acquisition du bien à l’ancien propriétaire, qui y a renoncé, le titulaire du droit de préemption propose cette acquisition à l’acquéreur évincé, qui l’accepte, celui-ci n’est plus recevable à demander l’annulation de la vente conclue avec l’ancien propriétaire à compter de la date de la conclusion de la promesse de vente.

Pour déclarer recevable la demande de la société Sofiadis et annuler la vente conclue entre la commune et la société VARF, l’arrêt retient que, en sa qualité d’acquéreur évincé à la suite de la décision, ultérieurement annulée, de la commune d’exercer son droit de préemption sur le bien, la société Sofiadis a intérêt à agir en annulation de la vente conclue entre la commune et la société VARF et que sa demande en annulation est donc recevable.

L’arrêt ajoute que la vente conclue entre la société VARF et la commune en application d’une décision administrative qui a été annulée doit être elle-même déclarée nulle et que, en conséquence de cette annulation, la commune est réputée n’avoir jamais été propriétaire du bien.

En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la société Sofiadis avait conclu une promesse de vente avec la commune, ce dont il résultait qu’elle n’était plus recevable à agir en annulation de la vente conclue entre la société VARF et cette commune, demeurée propriétaire en dépit de l’annulation de la décision de préemption, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Référence: 

- Cour de cassation, Chambre civile 3, 7 septembre 2022, pourvoi 21-12.114. Publié au bulletin