L'arrêt a été rendu au visa de l'article 313-1 du code pénal.
Il résulte de ce texte qu'un mensonge ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse susceptible de caractériser le délit d'escroquerie, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention d'un tiers destinés à donner force et crédit à l'allégation mensongère du prévenu.
En l'espèce pour déclarer le prévenu coupable d'escroqueries consistant dans le fait d'avoir trompé des clients et de les avoir déterminés à remettre des fonds en se sachant dans l'impossibilité d'honorer les commandes passées et en choisissant de ne pas les honorer, l'arrêt d'ppel énonce qu'il résulte des auditions du personnel de la société, des commerciaux extérieurs à l'entreprise et des victimes, que, très rapidement, des délais de livraison normaux n'ont pu être respectés, atteignant six mois puis un an et que, parfaitement informé de cette impossibilité, le prévenu a poussé les commerciaux à prendre toujours plus de commandes, allant jusqu'à leur promettre paiement de leur commission ou salaire dès la prise de celles-ci.
Les juges ajoutent qu'il s'agit d'une manoeuvre destinée à faire entrer de la trésorerie dans l'entreprise, cette dernière devant payer un acompte à la commande des produits achetés notamment en Chine, que le prévenu savait pertinemment que ces commandes ne pourraient être honorées dans des délais normaux et que certaines ne le seraient jamais compte tenu des finances de l'entreprise. Ils précisent que les ordres donnés aux commerciaux, en connaissance de l'impossibilité d'exécuter les contrats futurs dans des conditions normales, notamment en matière de délai, constituent des manœuvres antérieures ou concomitantes à la conclusion des contrats, des ordres étant même donnés de ne pas parvenir à la livraison en raison des défauts de qualité des matériels vendus.
Ils soulignent que cette information est déterminante dans la formation du contrat et que les futurs clients étaient ainsi amenés à remettre des acomptes plus que substantiels en méconnaissance du fait que l'éolienne promise serait livrée dans des délais non raisonnables, voire jamais.
La cour d'appel en conclut que le prévenu s'est rendu coupable d'escroqueries en mettant en œuvre un système de prise de commande tout en sachant pertinemment que la société ne pourrait tenir ses engagements de livraison, certaines de celles-ci étant sciemment retardées, voire non exécutées. Cette décision, qui ne relève pas l'existence d'éléments extérieurs de nature à donner force et crédit aux informations sur les délais de livraison fournies par les commerciaux aux clients et déterminants de la remise des fonds par ceux-ci, encourt la cassation.
- Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 Mai 2022, pourvoi n° 21-82.255