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Le 13 janvier 2009
Le juge administratif sanctionne l'impact paysager des éoliennes en annulant un arrêté préfectoral autorisant leur construction.


Extrait analytique du jugement du Tribunal administratif de Lyon:

Après une enquête publique qui s'est tenue du 16 décembre 2005 au 16 janvier 2006, le préfet de l'Ain, par un arrêté en date du 20 mars 2006, a accordé à la SA Erélis SNC, le permis de construire pour la construction d'un parc de huit éoliennes, d'une hauteur de 126 mètres et d'une puissance de 1,5 MW chacune, sur les communes de Prémillieu, Virieu-le-Grand et Armix.

La commune de Thézillieu et M. et Mme Catherine ont demandé l'annulation de ce permis de construire.

1/ Le Tribunal rappelle qu'aux termes de l'article R. 122-3 du Code de l'environnement:

{"I – Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement.

II – L'étude d'impact présente successivement : 1° une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs, affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° une analyse des effets directs et indirects, temporaires et permanents du projet sur l'environnement, et en particulier sur la faune et la flore, les sites et paysages, le sol, l'eau, l'air, le climat, les milieux naturels et les équilibres biologiques, sur la protection des biens et du patrimoine culturel et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) ou sur l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; 3° les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés qui font l'objet d'une description, le projet présenté a été retenu (...)}".

Et il considère qu'il ressort de l'étude d'impact que le projet d'implantation des éoliennes dans le secteur géographique retenu, à la suite d'une étude d'opportunité dans les départements de l'Ain et du Jura, a fait l'objet d'un premier parti prenant en compte les conclusions d'une étude de pré-faisabilité optant pour l'implantation de six éoliennes d'une puissance de 2 MW; que ce parti était considéré en décembre 2003, soit plus d'un an après le lancement du projet et plusieurs réunions de concertation, comme l'implantation idéale du point de vue paysager; que ce n'est qu'en novembre 2004 que l'hypothèse finale de huit éoliennes d'une puissance de 1,5 MW a été présentée au groupe de travail préfectoral permettant, selon l'étude d'impact, d'arriver à un projet cohérent du point de vue technico-économique ; que l'ajout de deux éoliennes d'une hauteur de 126 mètres chacune, eu égard notamment à l'extension de l'emprise qu'elle implique, n'est pas sans incidence sur le paysage, la protection de la faune et de la flore et les nuisances sonores générées; que si l'étude d'impact cite le premier parti envisagé, elle ne comporte, toutefois, aucune explication d'ordre environnemental sur son abandon, se bornant à justifier le choix du deuxième parti par de brèves raisons techniques permettant d'optimiser la production annuelle qui passerait ainsi de 22 à 24 MGW; qu'aucun des autres documents inclus dans le dossier soumis à l'enquête publique, ne comporte l'indication des motifs pour lesquels, du point de vue des préoccupations d'environnement, le premier parti a été écarté; que, dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que l'étude d'impact ne satisfait pas à l'obligation susmentionnée résultant des dispositions du 3° de l'article R. 122-3 du Code de l'environnement.

2/ Puis le Tribunal rappelle qu'aux termes de l'article R. 111-21 du Code de l'urbanisme:

"{Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales}";

Et il considère qu'il ressort des pièces du dossier, que le site d'implantation de la forêt de Ravière est installé en limite du plateau d'Hauteville et des deux entités paysagères que sont le Haut-Bugey et le Bugey méridional, dominant sur plusieurs centaines de mètres la plaine de Belley et la cluse des Hôpitaux, dans un paysage rural remarquable et dans un environnement de très grande qualité ainsi qu'en témoignent le grand nombre d'arrêtés de protection de biotopes, de réserves naturelles, de zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique ainsi que les sites inscrits et classés, compris dans le périmètre éloigné du projet; qu'outre le fait qu'elle soit projetée dans un espace naturel d'une très grande qualité paysagère, au surplus, préservée d'autres infrastructures ayant un impact paysager, cette implantation de huit éoliennes est prévue sur une ligne de crête, en alignement, sur une distance de plusieurs kilomètres, exerçant ainsi une domination sur le paysage naturel, particulièrement forte, notamment depuis les montagnes d'Ordonnaz et de Sérémond, à quelques kilomètres du terrain d'assiette du site éolien, ou depuis le village de Pontieu, le hameau Le Genevray et l'entrée sud de Thézillieu ; que dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que, même si le terrain d'assiette ne fait l'objet d'aucune protection spécifique de son paysage ou de son patrimoine, l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de l'Ain pour accorder le permis de construire contesté, est manifestement erronée, au regard des exigences de l'article R. 111-21 précité du Code de l'urbanisme.

Les requérants sont donc fondés à soutenir que l'arrêté en date du 20 mars 2006 est entaché d'illégalité; il y a lieu d'annuler ledit arrêté préfectoral.
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Un commentaire du jugement {in}:

La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales, n° 3, 12 janvier 2009, 2008, "L'impact paysager des éoliennes", par {{Bernadette Le Baut-Ferrarese}}, maître de conférences en droit public à l'université Jean-Moulin Lyon III, consultante droit des énergies renouvelables.

Extraits:

"{Le jugement est donc remarquable, même s'il ne change évidemment rien à l'état du droit applicable, et notamment au fait que les conditions figurant à l'article R. 111-21 du Code de l'urbanisme restent essentiellement subjectives et laissent à l'administration un vaste pouvoir d'appréciation. En effet, il faut bien convenir qu'en tout état de cause le contrôle juridictionnel s'exerçant à partir de la disposition susvisée demeure limité. D'une part parce que le juge restreint son contrôle de l'évaluation de l'impact paysager à l'erreur manifeste d'appréciation. D'autre part parce que la définition de l'impact à laquelle procède le juge relève de son appréciation souveraine et ne peut être discutée devant le juge de cassation (CE, 9 févr. 2004, n° 217224, Jadeau c/ Cne Barzan : JurisData n° 2004-066547; (...). Enfin parce que la notion d'impact paysager est en toute hypothèse appréciée in concreto, en relation avec un projet et une situation déterminée – elle peut au reste conduire le juge à se déplacer in situ (CAA Lyon, 3 févr. 2004, n° 03LY01697, Min. Équipement, préc.) (...)

Au final, donc, on peut estimer que le contrôle juridictionnel possède ici deux caractéristiques majeures : il est relatif, puisque tout dépend de la plus ou moins grande sensibilité du milieu naturel aux installations éoliennes, elle-même tributaire du rapport complexe et subtil existant dans chaque cas entre le contexte paysager (nature des sites, présence ou non de monuments remarquables, ouverture des paysages, etc.) et la hauteur des mâts ; il est en outre variable d'une situation l'autre (...) On comprend mieux dans cette mesure pourquoi il est parfois préconisé de resserrer les critères d'attribution des titres d'urbanisme pour les éoliennes de grande hauteur, afin notamment d'améliorer la clarté, la certitude et la sécurité juridiques des opérations envisagées. (...)}"
Référence: 
Référence: - Tribunal administratif de Lyon, 4 novembre 2008 (req. n° 603.052), Commune Thézillieu et Catherine