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Le 30 août 2020

 

Par acte SSP du 18 novembre 2013, la société R. T. a confié à la société Le Havre entreprise (l’agent immobilier) un mandat de vendre un entrepôt au prix de 600.000 EUR. Le 4 février 2014, M. E. a donné à l’agent immobilier un mandat de recherche d’un bien d'une superficie de 1 100 m² à 1 300 m², stipulant qu’en cas de réalisation, la rémunération du mandataire, exigible seulement au jour de la signature effective de l’acte de vente après levée de toutes les conditions suspensives, serait à la charge de l’acquéreur. Le même jour, il a signé une reconnaissance d’honoraires au profit de l’agent immobilier à hauteur de 40.080 EUR toute taxe comprise, « à titre de frais, honoraires et débours, conformément aux termes du compromis signé avec la SAS R. T. ». Le 5 février suivant, il a conclu avec la société R. T. une promesse de vente portant sur l’entrepôt appartenant à cette dernière, sous diverses conditions suspensives, notamment l’obtention d’un permis de construire au plus tard le 15 juillet 2014. Le 18 avril 2014, M. E. a déposé une demande de permis de construire. Puis, par lettre du 11 juillet 2014, il a informé l’agent immobilier que la condition suspensive d’obtention des autorisations administratives ne pourrait être réalisée pour le 15 juillet 2014 et qu’en conséquence, la promesse de vente était caduque. Le 31 octobre 2014, la société Elégance, ayant pour gérant M. E., a fait l’acquisition de la totalité des actions de la société R. T..

Le 25 février 2015, l’agent immobilier a assigné M. E. et la société R. T. en paiement de la somme de 40.080 EUR.

M. E. et la société R. T. ont fait grief à l'arrêt d'appel de les condamner solidairement à payer à l’agent immobilier la somme de 40.080 EUR à titre de dommages-intérêts, alors :

« 1/ qu’aucune commission ni somme d’argent à quelque titre que ce soit ne peut être exigée par l'agent immobilier ayant concouru à une opération qui n'a pas été effectivement conclue ; que, lorsque l'engagement des parties dans une promesse de vente contient une condition suspensive, l'opération ne peut être regardée comme effectivement conclue tant que cette condition suspensive n'est pas réalisée ; que la cour d’appel a constaté que M. E. a signé avec la société R. T. une promesse de vente sous la condition suspensive d'obtention d’autorisations administratives qui n’ont pas été obtenues dans le délai requis du 15 juillet 2014 ; que la cour d’appel a constaté que la vente n'a pas été effectivement conclue ; qu’en décidant cependant que l’agent immobilier était fondé à demander paiement de ses honoraires à titre d’indemnité compensatrice de nature contractuelle, quand il résultait de ses constations que la vente n’avait pas été conclue, la cour d’appel a violé l’article 6 de la loi n 70-9 du 2 janvier 1970 ;

2/ que, dans leurs conclusions d’appel, M. E. et la société R. T. faisaient valoir que la vente n’avait pas eu lieu, non en raison d’une quelconque résiliation amiable, mais par suite de la caducité du compromis de vente, résultant de l’avis négatif émis par la commission de sécurité lors de sa visite en juillet 2014, confirmé par écrit en septembre 2014 ; qu’en retenant que la non-réitération de la vente par acte authentique résulte d’un accord des parties qui se sont rapprochées pour parvenir à la cession des parts sociales de la société R. T. à la société Elégance, sans répondre au moyen décisif tiré de la caducité du compromis de vente, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;

3/ que, dans leurs conclusions d’appel, M. E. et la société R. T. faisaient valoir que le permis de construire, in fine obtenu, avait été accordé à la suite d’une modification radicale et substantielle du projet, comportant acquisition d’un bâtiment contigu, de sorte que ce permis de construire avait été obtenu non dans le cadre du compromis de vente, devenu caduc, mais dans le cadre d’un projet parfaitement différent et étranger au compromis de vente litigieux ; qu’en retenant que la non-réitération de la vente par acte authentique résulte d’un accord des parties qui se sont rapprochées pour parvenir à la cession des parts sociales de la société R. T. à la société Elégance, sans répondre à ce moyen, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Si la loi n 70-9 du 2 janvier 1970 (loi Hoguet) subordonne le paiement des honoraires de l’agent immobilier à la conclusion effective de la vente, celui-ci a droit à la réparation de son préjudice en cas de comportement fautif de son mandant ou de l’autre partie, qui lui a fait perdre sa commission.

Dès lors, la cour d’appel ayant condamné M. E. et la société R. T. à payer à l'agent immobilier une somme à titre de dommages-intérêts, et non pas une rémunération, le moyen n'est pas fondé.

Et  M. E. et la société R. T. ont fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aucune commission ni somme d'argent à quelque titre que ce soit ne peut être exigée par l'agent immobilier ayant concouru à une opération qui n'a pas été effectivement conclue ; que, si le mandat confié à l'agent immobilier est un mandat d'entremise qui ne permet pas à l'agent de signer la vente en lieu et place du mandant, ce dernier peut, sans faute, refuser de conclure la vente avec une partie découverte en exécution de ce contrat d'entremise ; qu'en énonçant, pour allouer à l'agent immobilier à titre de dommages-intérêts le montant de la commission fixée dans le compromis de vente du bien immobilier, que la société T. et M. E. s'étaient entendus pour éluder les droits de l'intermédiaire en ne concluant pas la vente initialement projetée mais une cession d'actions, la cour d'appel s'est prononcée par un motif impropre à caractériser une faute ou une fraude commise à l'encontre de l'agent immobilier, violant l'article 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code, ensemble le principe fraus omnia corrumpit. »

Réponse de la Cour au visa de l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n 2016-131 du 10 février 2016 :

Selon ce texte, le débiteur est condamné au paiement de dommages-intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.

Pour déclarer M. E. et la société R. T. responsables du préjudice subi par l’agent immobilier et les condamner solidairement à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que ceux-ci avaient conclu, non la vente du bien immobilier, mais une cession de la totalité des parts sociales, qui avait permis à M. E. de devenir, à travers la société Elégance, l’unique actionnaire de la société R. T., propriétaire du bien immobilier, cette opération étant connue de l’agent immobilier pendant le cours des mandats. Il en déduit qu’ils s’étaient ainsi manifestement entendus pour éluder les droits de ce dernier.

En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la faute des mandants à l’égard de l’agent immobilier, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Référence: 

Cour de cassation, 1re chambre civile, 1er juillet 2020, RG n° 19-10.285