Une société a été condamnée pour exercice illégal de la profession de géomètre-expert.
Pour déclarer la prévenue coupable de l'établissement de trois documents d'arpentage, l'arrêt de la cour d'appel énonce qu'il résulte des dispositions des articles 1, 1°, 2 et 7 de la loi du 7 mai 1946 modifiée par la loi du 28 juin 1994, du décret du 30 avril 1955 et de l'arrêté du 30 juillet 2010 pris pour son application qu'une modification du parcellaire cadastral ne relève pas du champ du monopole des géomètres-experts et peut être réalisée par un géomètre-topographe agréé, lorsque la modification ne consiste qu'en un nouvel agencement de la propriété, c'est-à-dire en une réorganisation interne des parcelles n'affectant pas les limites extérieures de la propriété. Il précise qu'en revanche, toute modification du parcellaire cadastral qui a directement pour objet de fixer de nouvelles limites de propriété et de créer de nouveaux droits qui y sont attachés, qui est destinée à accompagner un acte de cession de l'une des parcelles nouvellement créées, ou à y être annexée, et qui participe ainsi de la rédaction d'un acte translatif de propriété, relève du monopole des géomètres experts, de sorte qu'elle ne peut être accomplie par un géomètre topographe, même régulièrement agréé.
Les juges ajoutent que les deux documents d'arpentage réalisés le 31 octobre 2012, portant chacun sur une parcelle en vue de sa division en deux parcelles et de la cession de l'une d'elles, et le document d'arpentage établi le 23 novembre 2013 sur trois parcelles en vue de leur cession, après nouvelle délimitation conduisant à leur redéfinition, ont été établis en vue d'actes translatifs de propriété par la fixation de nouvelles limites de propriété et la création des droits nouveaux et qu'ils relèvent donc du monopole des géomètres-experts.
Pour déclarer inopérant le moyen pris de l'inopposabilité de ce monopole aux services publics pour les travaux qui leur incombent, ils retiennent encore qu'il résulte des termes des mandats donnés à la prévenue que les actes réalisés avaient pour objet la mutation des parcelles et non pas une seule finalité fiscale, de sorte qu'ils n'ont pas été accomplis du seul chef d'une délégation de service public qui échapperait au monopole légal.
Pour caractériser l'élément intentionnel, la cour d'appel relève enfin qu'en établissant les trois documents d'arpentage précités, la prévenue qui, en sa qualité de professionnel, ne pouvait méconnaître les limites légales de ses prérogatives, a nécessairement eu conscience d'accomplir des actes relevant du monopole, dès lors qu'ils avaient pour but de permettre la division et la mutation des parcelles considérées et donc de fixer de nouvelles limites foncières en modifiant les droits qui y étaient attachés, ce qui relevait, dès avant 2015, et de manière claire et constante, de la seule compétence des géomètres-experts.
Cette décision est justifiée.
En premier lieu, elle a mis en évidence que les documents en cause ne consistaient pas en un document fiscal dépourvu d'incidence foncière.
En deuxième lieu, l'interprétation stricte des textes sur lesquelles elle s'est fondée résulte non d'un arrêt qui aurait été rendu de manière imprévisible par la Cour de cassation le 1er septembre 2015, mais de la jurisprudence dans laquelle cet arrêt s'insère, selon laquelle les actes réservés aux géomètres-experts sont ceux qui fixent les limites des biens fonciers pour l'établissement des droits réels, préparent, accompagnent ou suivent l'intervention d'un notaire et participent des actes translatifs ou déclaratifs de propriété, tandis que les actes relevant de la compétence des topographes concernent les documents d'arpentage et tous travaux cadastraux relatifs à la situation fiscale du fonds concerné.
Enfin, il n'est pas nécessaire qu'un acte translatif de propriété des parcelles concernées ait été passé pendant la période de prévention.
- Cour de cassation, Chambre criminelle, 30 novembre 2021, pourvoi n° 20-85.813