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Le 18 novembre 2005
Question. Nous sommes deux filles. Notre père vient de décéder. Son compte bancaire révèle un chèque de 7.600 établi pour ma soeur il y a 3 mois. Y a-t-il un recours possible pour que cette somme revienne dans la succession? Réponse. Dans l'hypothèse où votre soeur ne pourrait justifier d'une cause autre que l'intention libérale de votre père à son égard pour le chèque qui lui a été remis, c'est l'hypothèse du don manuel qu'il faudrait retenir. Selon la Cour de cassation, le don manuel n'a d'existence que par la tradition réelle que fait le donateur de la chose donnée (1e chambre civ., 11 juillet 1960 et 19 novembre 1996). La tradition réelle c'est la remise effective de la chose donnée, ici le chèque, faite de la main à la main ou le déplacement ayant pour objet de mettre la chose à la disposition du gratifié. L'exécution d'un travail ne peut pas être qualifiée de don manuel, à défaut de tradition réelle d'un bien déterminé. Au contraire, si les fonds ou le chèque ont été remis directement par un parent à son enfant pour payer des dettes ou régler des travaux, il y a don manuel, la tradition réelle ayant été matériellement réalisée. Comme toute donation entre parents et enfants, le don manuel est soumis au rapport successoral (article 843 du Code civil). Le seul fait que la libéralité ait pris la forme d'un don manuel ne suffit pas à caractériser une dispense de rapport. Toutefois, le donateur peut dispenser le gratifié de l'obligation de rapport en stipulant que le don est fait par préciput et hors part. Les juridictions n'exigent pas une déclaration expresse en ce sens (Cour d'appel de Poitiers, 16 novembre 1988). Mais il faut que celui qui a reçu appporte la preuve de la volonté certaine et manifeste du donateur, caractérisée par les circonstances de la cause, de faire une donation préciputaire. La preuve d'un pacte de préciput peut ainsi être rapportée par tous moyens compatibles avec la preuve écrite, mais, lorsque la dispense de rapport est décidée postérieurement au don manuel, du vivant du disposant, le préciput doit découler d'une donation authentique (acte notarié). Il s'agit là en effet d'une nouvelle libéralité entre vifs soumise aux dispositions de l'article 931 du Code civil. La situation est donc simple. Pour éviter le rapport à la succession de la somme donnée, votre soeur doit: - soit prouver que la remise du chèque avait une autre cause qu'un don, par exemple le remboursement d'une créance, - soit prouver que le don manuel était fait par préciput et hors part; dans ce cas toutefois le don serait éventuellement réduit à la quotité disponible. A noter qu'un don manuel doit être déclaré à la recette des impôts. Il doit aussi être mentionné dans la déclaration de la succession. Le défaut de déclaration initiale n'aucun effet au plan civil.