Le notaire en charge du règlement de la succession de Patrice K, décédé le [...], a fait appel à M. X, commissaire-priseur judiciaire), pour réaliser la prisée des biens meubles composant l'actif successoral, comprenant, notamment, deux lavis sur papier attribués à Pablo Picasso; suivant acte de partage du 8 octobre 2007, lesdites oeuvres, évaluées à la somme de 250'000 euro chacune, ont été attribuées à Mme Chantal K, l'épouse du défunt ; en 2011, celle-ci s'est adressée à la société Artcurial qui a estimé leur valeur entre 500'000 et 700'000 euro chacune ; des doutes ayant été ultérieurement émis sur leur authenticité, Mme Chantal K a sollicité en référé la désignation d'un expert, qui a conclu que les lavis litigieux étaient des faux ; elle a ensuite assigné en responsabilité le commissaire-priseur judiciaire et la société Artcurial ; ceux-ci ont appelé en garantie les autres héritiers, sur le fondement de l'enrichissement sans cause.
Si le fait d'avoir commis une imprudence ou une négligence ne prive pas de son recours fondé sur l'enrichissement sans cause celui qui, en s'appauvrissant, a enrichi autrui, l'action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l'appauvrissement est dû à la faute lourde ou intentionnelle de l'appauvri.
La cour d'appel a relevé, d'une part, que, pour procéder à l'estimation des oeuvres litigieuses, le commissaire-priseur judiciaire s'était borné à effectuer un examen visuel superficiel et rapide, sur la foi d'un certificat établi en 1992, soit quinze ans auparavant, dans des conditions qu'il ignorait complètement, d'autre part, que les enjeux financiers et fiscaux de la succession en cause requéraient de ce professionnel de l'art une attention particulière justifiant qu'il procède à des investigations complémentaires.
Ayant ainsi fait ressortir que le commissaire-priseur judiciaire avait commis une faute lourde, elle en a exactement déduit que ce manquement à ses obligations professionnelles le privait de son recours fondé sur l'enrichissement sans cause.
- Cour de cassation, Chambre civile 1, 5 avril 2018, pourvois 17-12.595, 17-14.029, rejet, publié au Bull.