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Le 21 septembre 2020

 

La Cour de cassation précise qu'à défaut de disposition transitoire, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 modifiant l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution est entrée en vigueur le 25 mars 2019. À compter de cette date, les actes reçus par un notaire d'Alsace-Moselle constituent des titres exécutoires dès lors qu'ils portent sur une somme d'argent déterminée « ou déterminable » et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate. Pour les procédures diligentées antérieurement, la Cour de cassation précise que cette récente évolution législative et le souci de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général justifient qu'une solution identique soit appliquée.

Par un acte en date du 21 février 2000, dressé par un notaire de Creutzwald (Moselle), le Crédit foncier de France (la banque) a consenti deux prêts hypothécaires à M. et Mme X, cette dernière étant décédée le 19 décembre 2001.

Le 2 novembre 2017, la banque a fait signifier à M. X un commandement de payer à fin d'exécution forcée immobilière d'un bien appartenant à ce dernier, puis, le 20 décembre 2017, elle a requis la vente par voie d'exécution forcée de cet immeuble en recouvrement des sommes restant dues au titre des deux prêts hypothécaires.

 Par une ordonnance du 20 juillet 2018, le Tribunal d'instance de Metz a rejeté cette requête.

Par un arrêt du 9 août 2019, la Cour d'appel de Metz a déclaré le pourvoi immédiat recevable, confirmé l'ordonnance du tribunal de Metz du 20 juillet 2018 et rejeté les autres demandes.

Un pourvoi a été exercé.

Pour la Cour de cassation, à défaut de disposition transitoire, l'article 108 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 modifiant l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution est entré en vigueur le lendemain de sa publication au Journal officiel intervenue le 24 mars 2019, soit le 25 mars 2019.

Cet article, procédant d'une loi relative aux procédures civiles d'exécution, dépourvue de caractère interprétatif, est d'application immédiate. Il n'est donc applicable qu'aux actes d'exécution forcée postérieurs à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi.

Les actes d'exécution étant antérieurs au 25 mars 2019, la cour d'appel en a exactement déduit que le litige était soumis à l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019.

Mais, la Cour de cassation répond, au visa de l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019,

Aux termes de ce texte, « dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, constituent des titres exécutoires les actes établis par un notaire de ces trois départements ou du ressort des cours d'appel de Colmar et de Metz lorsqu'ils sont dressés au sujet d'une prétention ayant pour objet le paiement d'une somme d'argent déterminée ou la prestation d'une quantité déterminée d'autres choses fongibles ou de valeurs mobilières et que le débiteur consent dans l'acte à l'exécution forcée immédiate. »

Si, d'une part, la Cour de cassation a interprété ce texte en ce sens que les actes notariés ne peuvent servir de titre exécutoire que s'ils ont pour objet le paiement d'une somme déterminée et non pas seulement déterminable et si le débiteur consent à l'exécution forcée immédiate (notamment : 1re Civ., 6 avril 2016, pourvoi n° 15-11.077 ; 3e Civ., 18 mai 2017, pourvoi n° 16-14.671 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-19.675 ; 2e Civ., 19 octobre 2017, pourvoi n° 16-26.413 ; 2e Civ., 22 mars 2018, pourvoi n° 17-10.635), cette jurisprudence, suivie par l'arrêt contre lequel le pourvoi a été formé, a soulevé des controverses doctrinales et des divergences de jurisprudence entre les Cours d'appel de Metz et de Colmar, qui justifient un nouvel examen.

D'autre part, en modifiant l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution, la loi du 23 mars 2019, même si elle n'est pas applicable en l'espèce, a modifié le texte en vue de mettre le droit local en conformité avec les règles applicables sur le reste du territoire national.

Il convient, dès lors, de rapprocher les règles applicables en droit local de celles du droit général et de considérer que constitue un titre exécutoire, au sens de l'article L. 111-5, 1°, du Code des procédures civiles d'exécution, alors applicable, un acte notarié de prêt qui mentionne, au jour de sa signature, outre le consentement du débiteur à son exécution immédiate forcée, le montant du capital emprunté et ses modalités de remboursement permettant, au jour des poursuites, d'évaluer la créance dont le recouvrement est poursuivi.

Pour rejeter la demande de vente par voie d'exécution immobilière forcée, l'arrêt de la cour d'appel retient que si le contrat de prêt notarié en cause porte indication de la somme empruntée, du taux nominal des intérêts, du nombre de mensualités, reproduits dans un tableau d'amortissement, la créance invoquée à l'appui de la mesure d'exécution forcée immobilière ne résulte pas de cet acte, sauf à devoir la déterminer, une fois la déchéance du terme acquise, par le solde rendu exigible, augmenté des intérêts échus, des intérêts à courir et de l'indemnité forfaitaire calculée sur un solde qui n'est pas encore fixé.

L'arrêt de la cour d'appel retient encore que le décompte déterminé de la créance de la banque ne figure que dans le commandement de payer délivré le 2 novembre 2017. Il en déduit que la créance, pour laquelle la vente forcée des biens est poursuivie, ne se trouve pas suffisamment déterminée dans l'acte notarié servant de fondement aux poursuites.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

En résumé et pour faire court:

1/ Tout comme en "Vieille France", l'acte notarié constitue un titre exécutoire en Alsace-Moselle.

2/ Comme en "Vieille France", en Alsace-Moselle, l'acte notarié ne constitue un titre exécutoire que s'il a pour objet le paiement d'une somme déterminée ou déterminable (sans qu'il soit besoin de recourir à un autre document, tel un arrêté de compte).

Référence: 

- Cour de cassation, 2e Chambre civ., 25 juin. 2020, pourvoi n° 19-23.219, n° 829, P+B+R+I