Le Conseil d'État a déjà estimé que le Code de l'urbanisme "ne fait pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ". (CE, sect., 3 juill. 1998, n° 158.592).
Ici, le juge administratif a remarqué que les sociétés requérantes n'avaient acquis les terrains d'assiette de leur opération immobilière qu'après que le plan d'occupation des sols (POS) de la commune eut été modifié, "conformément aux engagements pris par la commune, afin de le rendre compatible avec leur projet d'aménagement". Mais "le projet n'a pu aboutir en raison du défaut de raccordement des terrains d'assiette au réseau d'assainissement, lequel n'a pu être opéré faute que la commune ait procédé à la réalisation de la canalisation prévue à cet effet". Alors, si la commune pouvait décider d'abroger le POS tel que révisé auparavant et "approuver, conjointement avec le préfet, une carte communale procédant au classement de terrains en zone naturelle non constructible pour le motif d'intérêt général tiré de la préservation du caractère rural de cette zone, l'approbation de cette carte a eu, en l'espèce, pour effet, en procédant au classement en zone inconstructible de la totalité des terrains dont la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault est propriétaire, d'amoindrir la valeur vénale de sa propriété, laquelle occupe une partie substantielle du territoire de la commune, et de compromettre définitivement ses projets d'aménagement". Ainsi, ces dispositions devaient "être regardées comme ayant fait peser sur cette société, qui a été seule affectée par ce classement, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi".
Concernant l'indemnisation, selon les dispositions du Code de l'urbanisme applicables au litige, l'approbation commune de la carte par le conseil municipal et le préfet, entraîne l'engagement de la responsabilité conjointe de la commune et de l'État, mettant à la charge de chacun d'entre eux la moitié des sommes à verser. Cependant, l'inertie de la société à entreprendre les démarches pour résoudre les difficultés liées à l'impossibilité de raccorder ses terrains au réseau d'assainissement conduit le juge administratif à laisser à sa charge la moitié du préjudice indemnisable.
- C.E., 29 juin 2016, req. n° 375.020