Conformément aux articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer et de prouver les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.
Aux termes de l'article 672 du Code civil, le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
En premier lieu et s'agissant de la hauteur de l'if demeurant en litige, les époux S. contestent l'acquisition de sa protection par prescription trentenaire.
De jurisprudence, le point de départ d'une telle prescription n'est pas le jour de la plantation de la végétation mais le jour où elle a atteint la hauteur de deux mètres.
Mme Pierrette S. précise dans son attestation qu'un if était déjà planté le long du grillage, avant 1981, date de son départ du quartier, ce que confirme M. Bernard S., précisant que l'if atteignait déjà au moins deux mètres en juillet 1980 ainsi que sa fille Mme Herrade S. pour l'avoir vu avant 1987.
Ces attestations bien qu'émanant de proches ou de connaissance de Mme M. ne sont contredites par aucun élément objectif, les photographies sur lesquelles s'appuient les époux S. ne permettant pas de les remettre en cause, contrairement à ce qu'ils affirment, alors que celle de 1976 présente déjà des plantations atteignant la hauteur de la fenêtre de la remise de Mme M., soit dépassant deux mètres, à l'endroit où est situé l'if litigieux, sans toutefois qu'il ne puisse être affirmé qu'il s'agissait bien de cet arbre.
Sur celles prise en mai 1993, une même végétation foisonnante a atteint une hauteur dépassant largement celle du toit de la lucarne de la maison des époux S.. Les autres photographies ne présentent pas l'endroit où est implanté l'if litigieux ou sont inexploitables alors que la partie du terrain qui le supporte se trouve dans l'ombre.
Ainsi il est établi par les témoins précités que l'if en litige avait atteint une hauteur de deux mètres antérieurement au 7 décembre 1987, soit trente ans avant l'introduction de l'instance.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'acquisition d'une prescription trentenaire le concernant, laquelle fait obstacle aux demandes d'élagage fondées sur les dispositions des articles 671 et suivant du Code civil.
A hauteur de cour, M. et Mme S. ont soutenu en second lieu qu'ils subissaient néanmoins un trouble anormal de voisinage du fait de la présence de cet arbre et notamment de la chute de ses baies sur leur fonds.
S'il ne saurait être contesté qu'en présence d'un tel trouble la prescription précitée ne peut jouer, il appartient aux époux S. de prouver que le trouble allégué excède les inconvénients liés à tout voisinage.
Or en l'espèce la présence de quelques baies tombées, sans que ne soit établie une ampleur particulière de ce phénomène saisonnier, ne peut suffire à caractériser l'anormalité du trouble allégué.
Au vu de l'ensemble de ces énonciations, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par les époux S.
- Cour d'appel de Colmar, 3e chambre civile, section A, 12 avril 2021, RG n° 19/04307