Le lot d'un ensemble immobilier a été acquis par deux personnes. Ce lot est situé sur un terrain qui est resté en indivision et chacun des 48 indivisaires de cet ensemble immobilier est resté coïndivisaire des 47 autres. Ce procédé, utilisé dans les années 80 pour construire beaucoup plus de logements sur un terrain que ne le permettaient les règles d'urbanisme en termes d'unités foncières, sans création d'un lotissement soumis à autorisation, ni même d'une copropriété ditehorizontale, était intitulé méthode Stemmer selon le nom d'un juriste qui l'avait développée. Il a permis de faire face à la pression foncière en multipliant le nombre de maisons mais en détournant les règles d'urbanisme et en provoquant des situations d'indivision dont il est quasiment impossible de sortir. Ce procédé, tolérable entre deux indivisaires, revient à détourner la législation sur les lotissements. Il n'est plus pratiqué suite à un arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 3 juin 1999.
Dans l'affaire ayant conduit à l'arrêt sous référence, l'acquisition des intéressés revient à les faire intégrer une indivision de 48 indivisaires. A l'égard des profanes de droit, comme les intéressés, cette vente se présente comme une vente d'un terrain à bâtir avec permis de construire leur permettant d'accéder à la propriété d'une maison individuelle. L'aménageur a sciemment profité de cette confusion dans l'esprit des acquéreurs pour leur donner l'illusion d'accéder à la propriété privative, alors qu'ils n'achetaient que des droits indivis, sans aucune jouissance privative, de sorte que leur maison construite sur ce terrain est également affectée par cette indivision du sol. La dissimulation dolosive dont ont été victime les acquéreurs est donc établie.
Par ailleurs, l'action dirigée contre le notaire pour manquement à son obligation d'information et de conseil est de nature délictuelle, fondée sur l'article 1382 du Code civil, devenu l'article 1240 du même code. Mais la SCP notariale n'a pas soulevé la prescription décennale, que la Cour ne peut pas soulever d'office. L'action est déclarée en conséquence recevable. Terrible erreur de l'avocat des notaires...
A noter que bien avant l'arrêt sous référence, une circulaire du Conseil Supérieur du Notariat en date du 13 février 2003, faisant suite à plusieurs décisions considérées comme faisant jurisprudence, en particulier un arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 3 juin 1999 semble condamner définitivement la méthode dite "Stemmer". Il s'agit de la mise en copropriété horizontale d'un terrain à bâtir, lorsque la franchise de deux lots prévue par l'article R. 315-1 du Code l'urbanisme est dépassée pour l'application de la législation du lotissement (quatre lots s'il s'agit d'une division dans le cadre d'un partage familial). L'obtention par le vendeur de lots de copropriété à bâtir d'un permis de construire obtenu en application de l'article R. 421-7-1 (permis dit "valant autorisation de diviser") ne peut certainement pas valider l'opération. Ce permis de construire n'est pas assimilable à une autorisation de lotir, et le titulaire d'un tel permis ne peut pas vendre des lots à bâtir. Il permet, en présence d'un seul maître de l'ouvrage de vendre des lots bâtis en l'état futur d'achèvement, la division n'ayant alors lieu qu'à l'achèvement des constructions. Le permis "R. 421-7-1" relève de la seule réglementation du permis de construire. La méthode "Stemmer" est exclusive de toute construction par le vendeur des lots de copropriété. Les lots sont vendus à bâtir par les acquéreurs, chacun faisant son affaire personnelle de l'édification de son lot privatif. Le permis de construire obtenu par le vendeur pour une pluralité de bâtiments et transféré aux acquéreurs indivisément est un permis de construire de droit commun. En aucun cas un permis obtenu en application de l'article R. 421-7-1 ne pourrait être transféré aux acquéreurs des lots à bâtir puisqu'un tel permis suppose un maître de l'ouvrage unique. La méthode avait cependant pour avantage de diminuer le poids du foncier pour une opération groupée de constructions; elle se trouverait ainsi en adéquation avec les objectifs de la loi SRU du 13 décembre 2000. Mais l'interdiction doit être limitée aux seuls cas où le droit de construire est transféré aux acquéreurs. Le Conseil d'Etat (Conseil d'Etat, contentieux, 26 mars 2003 (req. n° 231425) a validé un permis de construire portant sur une maison dépendant d'un groupement d'habitations édifiées avant la division de la propriété foncière.
Pourquoi rappeler les vicissitudes de ce procédé : parce que les difficultés rencontrées par "les copropriétaires" subsistent encore à ce jour (impossibiité de fait de sortir du système), avec cependant un petit et limité espoir résultant de la prochaine entrée en vigueur de la réforme du statut de la copropriété des immeubles bâtis.
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 1re chambre B, 24 avril 2008, RG n° 07/04389