La vente par acte notarié est conclue entre des particuliers portant sur trois lots d'un ensemble immobilier. Mais il s'est avéré, après la signature du contrat, que le contrat incluait en réalité des parties communes que les acheteurs ont dû acquérir ultérieurement auprès du syndicat des copropriétaires. Dans ces conditions, les acquéreurs ont asssigné les notaires ayant participé à la vente en indemnisation de leur préjudice.
Les juges du fond avaient écarté la responsabilité des notaires en considérant que les éléments dont ils disposaient et les déclarations des vendeurs ne permettaient pas de présumer l'inclusion d'une partie commune dans la vente et qu'il n'y avait donc pas de nécessité de procéder à des recherches notamment auprès du bureau des hypothèques.
La Cour de cassation censure l'arrêt de la Cour d'appel en relevant qu'il incombe au notaire, tenu d'assurer la validité et l'efficacité des actes qu'il reçoit, de procéder aux vérifications préalables lui permettant, lorsqu'il authentifie une vente, de s'assurer que le vendeur est titulaire du droit de propriété sur les biens à vendre.
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Suivant acte authentique reçu le 26 juillet 2005 par M. T, notaire associé de la SCP B, aux droits de laquelle se trouve la SCP R, avec la participation de M. D., notaire associé de la SCP L, (les notaires), Mme X, Mme H et M. H (les vendeurs) ont vendu à Mme Y (l'acquéreur) trois lots d'un ensemble immobilier, deux d'entre eux ayant été réunis à la suite de travaux effectués par les vendeurs.
Reprochant aux vendeurs et aux notaires d'avoir respectivement vendu et reçu la vente d'un bien intégrant une surface correspondant à des parties communes qu'elle avait dû acquérir ultérieurement du syndicat des copropriétaires, l'acquéreur les a assignés en indemnisation de ses préjudices.
Le vendeur a fait grief à l'arrêt d'appel de rejeter son recours en garantie à l'encontre des notaires, alors :
« 1/ que le notaire, tenu professionnellement de s'assurer de l'efficacité des actes qu'il rédige et d'éclairer les parties sur leur portée, leurs effets et leurs risques, doit vérifier par toutes investigations utiles l'étendue et la teneur des droits réels dont il authentifie la vente ; qu'en se fondant, pour écarter toute faute des notaires, sur le fait qu'ils n'auraient pas disposé d'autres éléments sur la conformation des lieux que ceux fournis à l'acquéreur, cependant que les notaires devaient, nonobstant cette circonstance, s'assurer de l'efficacité de l'acte qu'ils authentifiaient en procédant aux investigations qui auraient pu leur permettre de déceler que la réunion des deux lots vendus avait entraîné appropriation de parties communes, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et a violé l'article 1382 (ancien) du code civil ;
2/ que, en tout état de cause, en écartant toute faute des notaires sans rechercher, comme ils y étaient invités, si ceux-ci n'avaient pas engagé leur responsabilité en s'abstenant de vérifier, d'une part, si les plans en possession des parties coïncidaient avec les plans du bureau des hypothèques et, d'autre part, si la surface des lots séparés correspondait à la surface des lots réunis, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 (ancien) du code civil ;
3/ que le notaire, tenu professionnellement de s'assurer de l'efficacité des actes qu'il rédige et d'éclairer les parties sur leur portée, leurs effets et leurs risques, doit vérifier par toutes investigations utiles l'étendue et la teneur des droits réels dont il authentifie la vente ; qu'il est notamment tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou leur portée juridique, conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse ; qu'en se fondant, pour écarter toute faute des notaires, sur le fait que les vendeurs auraient déclaré que le bien vendu ne comprenait aucune surface résultant de l'appropriation de parties communes non autorisée et en retenant que les notaires n'avaient pas à vérifier les déclarations du vendeur, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1382 (ancien) du code civil. »
Pour la Cour de cassation, au visa de l'article 1382, devenu 1240 du Code civil :
Il résulte de ce texte qu'il incombe au notaire, tenu d'assurer la validité et l'efficacité de l'acte qu'il reçoit, de procéder aux vérifications préalables lui permettant, lorsqu'il authentifie une vente, de s'assurer que le vendeur est titulaire du droit de propriété sur les biens à vendre.
Pour rejeter la demande d'indemnisation formée par l'acquéreur contre les notaires, ainsi que l'appel en garantie du vendeur dirigé contre ceux-ci, l'arrêt d'appel relève, d'abord, qu'ils ne disposaient pas, lors de la vente du 26 juillet 2005, d'autres éléments sur la conformation des lieux que ceux fournis à l'acquéreur à cette même date, soit le plan UTB du 9 mai 1983, intitulé « Aménagement studio », et celui annexé au règlement de copropriété n'intégrant pas, dans le bien vendu, la partie litigieuse du palier, ensuite, que les vendeurs avaient déclaré en 2005 que les travaux de réunion des deux lots ne comprenaient aucune surface résultant de l'appropriation d'une partie commune, non autorisée par une assemblée générale. Il en déduit que les notaires ne pouvaient se douter qu'une partie du palier avait été annexée par les vendeurs.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les notaires n'avaient pas engagé leur responsabilité en s'abstenant de vérifier, d'une part, si les plans en possession des parties coïncidaient avec les plans du bureau des hypothèques, d'autre part, si la surface des lots séparés correspondait à la surface des lots réunis, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte précité.
- Cour de cassation, 1re Chambre civ.,, 11 mars 2020, pourvoi n° 18-26.407, cassation