Les consorts de A font grief à l’arrêt de dire que Mme V-AP est un tiers de bonne foi à l’acte de vente du 29 janvier 2008, ayant agi sous l’empire d’une erreur commune, et, en conséquence, de lui déclarer inopposable la nullité de cet acte et de confirmer la validité de l’acte de vente du 20 juin 2009, alors :
« 1o/ que ni l’erreur commune ni l’apparence ne peuvent faire obstacle aux conséquences, vis-à-vis des tiers sous-acquéreurs, même de bonne foi, de la nullité édictée par l’article 489 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause ; qu’en jugeant que l’acte de vente du 29 janvier 2008 devait être annulé par application de l’article 489 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, mais que néanmoins cette annulation ne serait pas opposable à Mme V-AP par application de la théorie de l’apparence, la cour d’appel a violé l’article 489 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble son article 544 ;
2o/ que, subsidiairement, pour se prévaloir d’une erreur commune sur la qualité de propriétaire apparent, la cause de la nullité doit être demeurée ignorée de tous ; qu’en jugeant que Mme V-AP a été victime d’une erreur commune et invincible sur le titre du propriétaire apparent de la SCI malgré les nombreux articles de presse publiés dès 2003 sur les « reclus de Monflanquin » dans la presse locale et nationale, dès lors qu’ « aucun de ceux antérieurs à la vente de juin 2009 ne fait référence à une difficulté sur la propriété du château de Martel, puisqu’il est surtout évoqué une maison sise à Talade sur la commune de Monflanquin, et par suite, à aucune difficulté sur la qualité de propriétaire de la SCI Yife co-contractant de U V-AP », et que « quand bien même ce serait le cas, dès lors qu’aucune assignation en annulation n’a été publiée au Service de la Publicité Foncière à la date du 20 juin 2009, ces articles ne pouvaient être considérés par U V-AP que pour ce qu’ils sont : des textes relatant un ou des événements, avec des commentaires, des interprétations, ou exposant un ou des points de vue, textes qui n’engagent que leur auteur ou le journal », sans vérifier si des articles ayant rendu public le détournement systématique du patrimoine des « reclus de Monflanquin », en relatant notamment que « les hypothèses varient entre une dérive sectaire, un secret de famille, l’influence d’un escroc » (Libération 27 novembre 2006), que « les maisons ont été vendues. Les meubles sont partis aux enchères. L’argent aurait été expédié à Londres où réside W S, homme étrange qui se prétend agent secret et jouit d’une forte aura auprès du groupe » (ibid.), que Mme B de A « vient de vendre « son Pyla » auquel elle tenait tant. Chez le notaire, c’est son neveu Y qui aurait mené les débats, demandant à ce que le chèque de la vente soit établi au nom de W T., 40 ans, cet insaisissable individu que tout le monde s’accorde désormais à désigner comme le responsable et le bénéficiaire du huis clos de Martel » (Sud-Ouest 25 septembre 2003), que « de la même manière que sa maman, J de A a réalisé son portefeuille d’actions. Le tout au profit de W T. estiment AC K et le reste de la famille. Près de 1 million et demi d’euros pourraient s’être ainsi volatilisés (…) Malgré de nombreuses plaintes pour détournement de fonds (…), pour abus de faiblesse, pour vols, etc., aucune action judiciaire n’est encore venue répondre à l’inquiétude des proches » (ibid.), que « tous les comptes en banque (que Monsieur K, dont l’épouse faisait partie des reclus) avait en commun avec sa femme ont été vidés et l’argent viré, selon lui, à Londres, sur le compte de W T. » (Le Monde 4 décembre 2003), que AD AE, selon le témoignage de sa fille, « n’a plus un sou, elle a vendu tous ses biens » (ibid.), que B de A, d’après l’une de ses amies de longue date « a été détroussée de sa fortune » (ibid.), qu’à la question « qui les manipule qui ? Un nom revient dans toutes les conversations : celui de W T. » (ibid.), que M. K « estime au total à près d’un million et demi d’euros l’ensemble des sommes qui se sont volatilisées (et) a déposé plainte (…) pour vol. Il espère ainsi, par le biais financier, à faire bouger la justice » (ibid.), qu’ « une banque s’est portée civile (dès lors que) près de 2 millions d’euros ont disparu dans la nature » (La Dépêche du Midi, 17 octobre 2006), qu’ « une information
judiciaire a été ouverte et le pôle financier du SRPJ Toulouse, la police judiciaire, poursuit ses recherches sur commission rogatoire d’un juge d’instruction bordelais » (ibid.) et questionnant « W S est-il l’auteur des détournements de fonds ? » (ibid.), n’excluaient pas que la cause de la nullité de la vente consentie par les consorts de A ait été ignorée de tous, et par conséquent n’excluaient pas l’existence d’une erreur commune, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 544 du code civil. »
Réponse de la Cour
En premier lieu, en application de la théorie de l’apparence, la nullité d’un acte de vente est sans influence sur la validité de l’aliénation consentie à un tiers sous-acquéreur de bonne foi, qui a agi sous l’empire d’une erreur commune, y compris lorsque cette nullité a été prononcée en raison de l’insanité d’esprit du vendeur, sur le fondement de l’article 489 du code civil, dans sa rédaction, applicable en la cause, antérieure à celle issue de la loi no 2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs.
En second lieu, l’arrêt énonce, d’abord, qu’aucun des articles de presse publiés antérieurement à la vente du 20 juin 2009 ne faisait référence à une difficulté relative à la propriété du château de Martel, de nature à remettre en cause la qualité de propriétaire de la SCI, et que les commentaires, interprétations ou points de vue qu’ils contenaient pouvaient être considérés par Mme V-AP comme n’engageant que leurs auteurs. Il ajoute, ensuite, par motifs propres et adoptés, que la SCI disposait en apparence, sur le bien immobilier en cause, d’un droit réel découlant de l’acte authentique du 29 janvier 2008, lequel avait fait l’objet d’une publication, et qu’au jour de la conclusion de la seconde vente, aucune assignation en annulation n’avait été publiée au service de la publicité foncière. Il relève, enfin, que la prétendue vileté du prix n’est pas établie, la SCI ayant acquis le château de Martel en 2008, moyennant un prix de 460 000 euros, et l’ayant revendu le 20 juin 2009 pour la somme de 540 000 euros, après avoir réalisé des travaux dont elle justifie.
La cour d’appel a pu en déduire que Mme V-AP, tiers de bonne foi, avait agi sous l’empire d’une erreur commune, de sorte que la nullité de l’acte de vente du 29 janvier 2008 ne lui était pas opposable.
- Cour de cassation, Chambre civile 1, 9 septembre 2020, pourvoi n° 18-26.525