M. Hervé E. et Mme Isabelle C. épouse E. ont signé, le 16 juin 2017, un compromis de vente au profit de M. Vachagan G. et Mme Alisa M. épouse G., aux termes duquel ces derniers se portaient acquéreurs d'un appartement en copropriété situé [...] pour un montant de 235.000 EUR.
Après expiration du délai de rétractation de dix jours et obtention du crédit qui constituait une condition suspensive, maître C.-D., notaire chargé de la vente, a repris contact avec M. et Mme G. afin de formaliser l'acte authentique de vente.
Par courrier du 6 septembre 2017, M. G. a indiqué qu'il n'envisageait plus d'acquérir l'immeuble.
Suivant acte d'huissier en date du 13 février 2018, M. et Mme E. ont fait assigner M. et Mme G. devant le Tribunal de grande instance de Nevers.
Les acquéreurs d’un lot de copropriété ne peuvent utilement soutenir avoir contractés par erreur en raison de leur maîtrise insuffisante de la langue française, liée à leur nationalité arménienne. En effet, il y a lieu de relever que l’époux acquéreur est président est associé unique, depuis plusieurs années, de la SAS Vegas automobiles qu'il administre au quotidien, qu'il a par le passé créé, géré voire liquidé plusieurs sociétés et qu'il indique lui-même avoir embauché dans ce cadre plusieurs salariés ayant la qualité de vendeur. Ces activités supposent une maîtrise minimale non seulement de la langue française, mais encore des démarches administratives basiques nécessaires à l'exercice professionnel concerné et des principes régissant la matière contractuelle.
Par ailleurs, il appartient à la personne de nationalité étrangère qui ne maîtrise pas la langue française de prendre les mesures qui s'imposent avant de signer un acte qui l'engage et de s'entourer de toutes garanties utiles, telle celle consistant à se faire accompagner par un tiers susceptible de lui servir d'interprète, pour s'assurer de la portée de son engagement si celle-ci ne lui est pas entièrement compréhensible, sauf à démontrer qu'au vu des circonstances, et notamment de la précipitation dans laquelle les actes ont été signés, il n'a pu s'organiser en conséquence.
En l'occurrence, aucune urgence ne caractérise la signature par les acquéreurs du compromis de vente litigieux. En outre, dans la mesure où le fait qu'un contrat soit porteur d'engagements contraignants constitue une information communément partagée par l'ensemble des personnes majeures juridiquement capables, quelle que soit leur nationalité, dans une société développée, les acquéreurs ne peuvent arguer de leur interprétation selon laquelle le compromis ne visait qu'à «réserver» l'immeuble pour quelque temps sans les engager plus avant, d'autant qu'il leur revenait, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, de se faire assister par toute personne compétente en cas de doute sur la signification des clauses contractuelles. Il leur était de même loisible de présenter à une personne francophone le compromis signé ainsi que les documents émis par le notaire dans le délai légal de rétractation de dix jours.
En l’absence de preuve d’un vice du consentement des vendeurs lors de la signature du compromis de vente, il y a lieu de les débouter de leur demande en nullité du contrat en cause.
- Cour d'appel de Bourges, Chambre civile, 6 Mai 2021, RG n° 19/01082