Inscription à notre newsletter

Recevez toutes les informations importantes directement dans votre boite mail. Cliquez ici

Partager cette actualité
Le 12 février 2022

 

Par application des articles 425 et 428 du code civil, toute personne dans l'impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée, soit des facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de sa volonté peut bénéficier d'une mesure de protection juridique.

Cette mesure ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être pourvu suffisamment aux intérêts de la personne par la mise en oeuvre du mandat de protection future conclu par l'intéressé , l'application des règles du droit commun de la représentation, de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux et des règles des régimes matrimoniaux, par une autre mesure de protection moins contraignante ;elle doit être proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé, les dispositions des articles 471 et 472 du même code permettant au juge soit d'aménager soit de renforcer la curatelle pour proportionner la protection à l'altération constatée .

Le mandat de protection future est défini par l'article 477 du code civil qui dispose que : "Toute personne majeure ou mineure émancipée ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation familiale peut charger une ou plusieurs personnes, par un même mandat, de la représenter pour le cas où, pour l'une des causes prévues à l'article 425, elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts.

La personne en curatelle ne peut conclure un mandat de protection future qu'avec l'assistance de son curateur.[...]Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous seing privé. [...]"

Lorsque le mandant n'est plus en état de pourvoir à ses intérêts, il appartient au mandataire désigné de faire constater sa prise d'effet par le greffier du tribunal d'instance, en produisant un certificat d'un médecin inscrit.

La fin du mandat est prévue par l'article 483 du code civil, qui dispose que :

"Le mandat mis à exécution prend fin par :

1° Le rétablissement des facultés personnelles de l'intéressé constaté à la demande du mandant ou du mandataire, dans les formes prévues à l'article 481 ;

2°Le décès de la personne protégée ou son placement en curatelle ou en tutelle, sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure ;

3°Le décès du mandataire, son placement sous une mesure de protection ou sa déconfiture ;

4° Sa révocation prononcée par le juge des tutelles à la demande de tout intéressé,lorsqu'il s'avère que les conditions prévues par l'article 425 ne sont pas réunies,lorsque les règles du droit commun de la représentation ou celles relatives aux droits et aux devoirs respectifs des époux et aux régimes matrimoniaux apparaissent suffisantes pour qu'il soit pourvu aux intérêts de la personne par son conjoint avec qui la communauté de vie n'a pas cessé ou lorsque l'exécution du mandat est de nature à porter atteinte aux intérêts du mandant ;

Le juge peut également suspendre les effets du mandat pour le temps d'une mesure de sauvegarde de justice."

Par ailleurs, aux termes de l'article 484 du code civil :

"Tout intéressé peut saisir le juge des tutelles aux fins de contester la mise en oeuvre du mandat ou de voir statuer sur les conditions et modalités de son exécution."

Et l'article 485 du même code précise que :

"Le juge qui met fin au mandat peut ouvrir une mesure de protection juridique dans les conditions et selon les modalités prévues aux sections I à IV du présent chapitre.. [...]"

Au vu de l'ensemble des dispositions légales, en raison du principe de subsidiarité, une mesure de protection ne doit être ouverte que, si le mandat de protection future s'avère insuffisant pour protéger la personne souffrant d'une altération de ses facultés mentales.

En l'espèce le mandat signé entre les parties le 23 février 2018, et mis en oeuvre suite à l'ordonnance du juge des tutelles du 12 juillet 2019, a été établi par acte notarié et si désormais, M. G. est dans l'incapacité totale de manifester sa volonté, il est établi au vu des pièces du dossier, notamment de ses auditions et des divers certificats médicaux, qu'il souhaitait conférer à son épouse de très larges pouvoirs pour permettre de protéger ses intérêts personnels ou patrimoniaux, tout en voulant préserver les droits de ses enfants.

Cependant, au vu des éléments produits par chacune des parties, il est démontré que la mise en oeuvre de ce mandat a aggravé les dissensions entre l'épouse mandataire, et les enfants du majeur protégé qui ont le sentiment d'être mis à l'écart.

Si le climat de violence imputable à l'origine au comportement de chacun, semble s'être apaisé depuis le placement en établissement du majeur protégé, le sentiment des enfants d'être mis à l'écart, a attisé leur défiance et leur rancoeur et empêche toute communication normale entre les parties.

Ainsi, au vu des nombreux échanges de mails, si manifestement Mme Malika T. fait désormais beaucoup d'efforts pour satisfaire la demande d'informations des enfants relativement à l'état de santé du majeur protégé, et organiser leur droit de visite, leur comportement frise le harcèlement et, pourrait à court terme aboutir à une rupture totale des relations familiales, voire à des demandes de suspension de droit de visite de la part de l'EHPAD. Il est évident qu'un tel risque nécessite au regard des droits du majeur protégé, une intervention judiciaire.

Par ailleurs, si en l'état les griefs relatifs à la gestion du patrimoine ne sont pas fondés, la cour constate qu'au regard de la complexité des relations familiales et de l'importance du patrimoine de M. Jean -Michel G., la seule obligation de rendre compte au notaire tous les ans, qui n'implique nullement un contrôle approfondi, n'est pas suffisante pour s'assurer du respect des intérêts patrimoniaux de M. Jean Michel G.

Ces crispations autour de la gestion du patrimoine, exacerbent en sus, la mésentente familiale, étant rappelé que tant son avocat, que le médecin inscrit, ont constaté que M. Jean Michel G. a conscience de l'existence de ce conflit et en souffre.

L'ensemble de ces éléments conduit donc à constater, qu'en l'absence d'intervention d'un tiers neutre pouvant en contrôler le fonctionnement, l'exécution du mandat de protection future est de nature à porter atteinte aux intérêts de M. Jean Michel G. et notamment à sa sérénité.

Il convient donc infirmant le jugement critiqué, d'ordonner dans le seul intérêt du majeur protégé, la révocation du mandat de protection future et, de faire droit à la requête en protection judiciaire.

Référence: 

- Cour d'appel de Paris, Pôle 3, chambre 7, 1er février 2022, RG n° 20/15379