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Le 04 février 2022

 

Par acte authentique du 20 octobre 2015, dressé par maître P., les consorts G. ont vendu à monsieur Olivier P. deux parcelles sises sur le territoire de la commune de Toulouges, cadastrées section BC N° 82 et 188, [...], pour un montant total de 18.000 EUR.

En page 9 de cet acte, il était indiqué 'un état hypothécaire délivré et certifié des vendeurs ne révèle aucune inscription'.

Monsieur Olivier P., gérant de l'EARL 'La Poule Joyeuse' a exercé une activité avicole sur ces parcelles et y a effectué des investissements. Pour ce faire, la Banque Populaire du Sud lui a accordé un prêt d'un montant total de 416.136,00 EUR pour acquérir du matériel et édifier un bâtiment à usage agricole , sous réserve d'une inscription d'hypothèque en 1er rang sur les dites parcelles.

Maitre E., notaire à Argeles Sur Mer, était chargé de régulariser l'acte de prêt avec une prise d'inscription.

A cette fin, il a obtenu un relevé des formalités concernant ces parcelles duquel il apparaissait :

- Une hypothèque judiciaire en date du 30 septembre 2008 [publiée 7 ans avant la vente] au profit de la banque Société Générale, pour un montant de 115.000 €,

- Une hypothèque légale en date du 17 mars 2009 (publiée 5 ans et demi avant la vente) au profit du Trésor Public pour un montant de 30.290 €,

- Une hypothèque légale en date du 18 janvier 2010 (publiée 4 ans et demi avant la vente) au profit du Trésor Public, pour un montant de 7.902 €),

- Une hypothèque judiciaire définitive en date du 2 mai 2011 (publiée 3 ans et demi avant lavente) au profit de la Banque société Générale pour un montant de 105.500 €,

- Une hypothèque légale en date du 21 août 2013 (publiée 2 ans avant la vente) au profit duTrésor Public, pour un montant de 6.054,17 €.

- Un renouvellement d 'hypothèque judiciaire définitive en date du 13 septembre 2018 (publiée 3 ans après la vente) au profit de la banque Société Générale.

Compte tenu de cette situation la banque Populaire du Sud, qui se proposait de financer le projet de ùonsieur P. a décidé de suspendre ses offres.

Monsieur P. et l'EARL 'La poule Joyeuse' ont saisi le président du tribunal de judiciaire de Perpignan, en référé pour obtenir, sur le fondement de l'article 145 une expertise comptable en vue d'évaluer les créances respectives de la banque Société Générale et du Trésor public, et leur condamnation in solidum au paiement d'une somme provisionnelle à valoir sur la réparation de leur préjudice.

Par ordonnance en date du 14 avril 2021, le président du tribunal judiciaire de Perpignan a:

- dit que l'EARL ' le Poule Joyeuse ' était renvoyée à mieux se pourvoir devant la juridiction de fond,

- ordonné une mesure d'expertise et désigné Monsieur B. Sébastien pour y procéder avec pour mission notamment,

- de déterminer l'incidence de la mention figurant sur l'acte authentique du 20 octobre 2015 dressé par le notaire, Monsieur Herve P. , notaire associé au sein de la SCP Herve P. et Marc De B. -S. sur l'obtention ou non du prêt de la Banque Populaire,

- évaluer les différents postes postes de préjudice subis par Monsieur Olivier P. ( perte de chance, jouissance ...)

- interroger la Société Générale et le Trésor Public, pour connaître le montant de leur créance respective,

- établir un pré-rapport qui autorisera les dernières observations des parties dans le délai de vingt jours à compter de leur réception avant la rédaction du rapport définitif ;

- fixé l'avance des frais d'expertise à valoir sur le montant des honoraires de l'expert à la somme de 3 000 € qui sera consignée par Monsieur Olivier P. dans le mois de l'avis d'appel de consignation notifié par le greffe ;

- dit qu'à défaut de consignation de la provision dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque,

- condamné solidairement Maître Hervé P., notaire et la SCP P., et Marc B. -S. à payer à Monsieur Olivier P. la somme provisionnelle de 20 800 € , à valoir sur la liquidation de son préjudice définitif.

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

- condamné Monsieur Olivier P. aux dépens.

- condamné solidairement Maître Hervé P., notaire et la SCP P. - Marc B. -S. à payer à Monsieur Olivier P. la somme de l 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- rappelé que la présente décision bénéficie de droit de l'exécution provisoire par application de larticle 514-1 alinéa 3 du code de procédure civile.

Monsieur Olivier P. et l'EARL ' La Poule Joyeuse' ont relevé appel de cette ordonnance le 11 mai 2021

La cour est saisie de l'appel principal de Monsieur P. et de l'EARL 'La poule joyeuse' qui contestent la décision du juge des référés ayant rejeté la demande d'expertise et la demande de provision de la société EARL 'La poule joyeuse' .

Elle est également saisie de l'appel incident de Maître P. et de la SCP P. et autres qui s'opposent à l'expertise ordonnée relativement à Monsieur Olivier P. et contestent leur condamnation au paiement de la somme provisionnelle de 10 800 €.

Le juge des référés a renvoyé l'EARL 'La poule joyeuse' à se pourvoir au fond en considérant que n'étant nullement partie à l'acte authentique litigieux dressé par maître P. le 20 octobre 2015, elle n'avait strictement aucun lien contractuel avec le notaire, et ne pouvait en conséquence engager sa responsabilité contractuelle .

Le magistrat a estimé, s'agissant d'une éventuelle responsabilité quasi délictuelle de l'officier ministériel, que celle ci supposait l'examen d'un lien de causalité constitutif d'une contestation sérieuse qui échappe à la compétence du juge des référés.

Monsieur Olivier P. et l'EARL 'La poule joyeuse' font valoir que la qualité de tiers à l'acte authentique litigieux de l'EARL 'La poule joyeuse' ne l'empêche pas d'invoquer , sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le manquement contractuel du notaire dés lors que ce manquement lui a causé un dommage. Ils ajoutent que la preuve d'un lien causal entre la faute du notaire et son préjudice est bien établie, car le refus de d'octroi du prêt résulte de l'existence d'inscriptions de telle sorte que son dommage trouve son origine dans l'absence de purge des inscriptions par Maître P.. Ils prétendent qu'il importe peu que l'EARL 'La poule joyeuse' ait été immatriculée une semaine après la signature de l'acte litigieux, car l'obligation qui incombe aux notaires d'assurer l'efficacité de leurs actes est pérenne et n'est pas limitée au jour de l'acte.

Les appelants soulignent en second lieu, le fait que l'EARL est une société à associé unique, à savoir Monsieur P. de sorte qu'il importe peu qu'il exerce son activité sous une forme sociale créée postérieurement à l'acte litigieux. Ils affirment que le préjudice subi par l'EARL et par Monsieur P. sont identiques, nonobstant les personnalités juridiques différentes en l'état de la qualité d'associé unique du premier.

Ainsi, ils soutiennent que l'action de l'EARL est bien recevable que son préjudice est certain ; au regard de l'ensemble des frais qu'elle a du exposer pour obtenir des subventions, une offre de prêt , un permis de construire ce qui représente une somme de 46 436, 60 € auxquels s'ajoutent les pertes d'exploitation justifiant une provision de 80.000 EUR.

Maître P. et la SCP P. et autres entendent l'argumentation développée par Monsieur P. et l' EARL 'La poule joyeuse' quant à la faculté pour la victime, tiers au contrat, de se prévaloir de la responsabilité contractuelle, dés lors que son dommage procède d'un manquement de l'auteur à une obligation contractuelle mais soutiennent que ce principe est inapplicable au cas d'espèce, dans la mesure où l'EARL 'La poule joyeuse' n'avait aucune existence juridique au jour de la signature de l'acte authentique, puisque celui ci a été signé le 20 octobre 2015 et que l'EARL 'La poule joyeuse' n'a été immatriculée que le 26 octobre 2015. Maître P. et la SCP P. et autres ajoutent qu'il n'est établi ni produit aucun bail, ni aucun lien contractuel entre Monsieur Olivier P. et l'EARL 'La poule joyeuse' .

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Infirme l'ordonnance rendue le 14 avril 2021, par le président du tribunal judiciaire de Perpignan, statuant en référé en ce qu'elle a :

- renvoyé l'EARL 'La Poule Joyeuse' à mieux se pourvoir au fond ;

- condamné solidairement Monsieur Hervé P. et la SCP P.- B. S. à verser à Monsieur Olivier P. la somme provisionnelle de 20 800 € à valoir sur la liquidation de son préjudice définitif ;

Statuant à nouveau,

- Déclare l'EARL 'La Poule Joyeuse' recevable en son action devant le juge des référés,

Référence: 

- Cour d'appel de Montpellier, 2e chambre civile, 27 Janvier 2022, RG n° 21/03059