Le droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi et les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne causer à la propriété d’autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage.
Les juges du fond apprécient souverainement en fonction des circonstances de temps et de lieu, la limite de la normalité des troubles de voisinage.
Pour être réparable, le trouble doit excéder les inconvénients normaux du voisinage eu égard au secteur dans lequel sont édifiées les constructions. Ainsi, il n’existe pas en zone urbanisée de droit au maintien d’un environnement non bâti et tout propriétaire doit s’attendre à être privé d’un avantage de vue ou d’ensoleillement, sauf à rendre impossible toute évolution du tissu construit.
En l’espèce, les maisons de M.O et Mme K et de M. R et Mme J dépendent d’un lotissement sis dans le quartier [Localité] à [Localité], secteur comportant de nombreuses maisons, dans lequel sont désormais aussi construits des immeubles de grande hauteur.
L’abri de jardin litigieux a été construit par M.O et Mme K conformément au cahier des charges du lotissement, au règlement de lotissement et après obtention d’un permis de construire et il doit être relevé qu’une construction en limite de propriété était tout à fait réglementaire. La hauteur exacte de l’ouvrage par rapport au terrain naturel, 3,00 m ou 3,50 m, fait l’objet d’un débat entre les parties mais est en toute hypothèse sans incidence sur le litige, étant observé de surcroît que le propre expert de M et Mme R, Mme V, ne retient qu’une hauteur de 3 mètres.
Par ailleurs, M.R et Mme J invoquent une perte d’ensoleillement mais une telle perte d’ensoleillement n’est même pas évoquée dans le rapport d’expertise de M. L]et ils ne fournissent pas d’éléments permettant de déterminer exactement quelles sont les périodes de l’année, les heures et la durée de ces pertes d’ensoleillement ainsi que les parties de la maison concernées selon les périodes, alors que M.O et Mme K produisent quant à eux un compte-rendu de mesures établi à leur demande par M.T, géomètre-expert, qui a conclu que, compte-tenu de la trajectoire du soleil, l’ombre portée par le local piscine ne touche le terrain R qu’à partir de 15 heures, que la longueur de l’ombre portée est comprise entre 0 et 6 mètres, les 6 mètres n’étant atteints que vers 19 heures, et que la partie affectée est située au Nord-Ouest de la propriété R alors que la partie à vivre de la maison est à l’opposé, c’est à dire au Sud-Est où se trouve la piscine.
M. R et Mme J invoquent également un trouble visuel en ce que la présence du mur en parpaings gris du local piscine enlaidit l’ensemble et la perspective de vue. Sur ce point, le premier juge a justement estimé que le maintien d’un environnement esthétique ne constituait pas un droit acquis et qu’ainsi, la présence d’un mur en parpaings désagréable à l’oeil constituait un trouble n’excédant pas les inconvénients normaux du voisinage. En d’autres termes, dès lors qu’il n’existe aucune obligation réglementaire de crépir le mur extérieur, son aspect inesthétique ne constitue pas un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.
Dans ces conditions, il doit être constaté que M.R et Mme J ne rapportent pas la preuve qui leur incombe du caractère anormal des troubles qu’ils invoquent, de sorte qu’il y a lieu de les débouter de leur demande de dommages et intérêts. Le jugement entrepris doit être infirmé sur ce point.
En revanche, en l’absence de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage, le jugement doit à plus forte raison être confirmé en ce que la demande de perte de valeur du bien a été rejetée.
- Cour d'appel de Toulouse, 1re chambre section 1, 30 mai 2022, RG n° 19/02625