La SCI LD Patrimoine, acquéreur, a fait valoir qu’entre la signature de la promesse de vente et le début de l’année, M. Y, gérant, a été de façon constante en relation téléphonique avec les époux X, vendeurs, afin de les tenir informés de l’avancée de ses demandes de prêts ; qu’elle a eu à déplorer trois refus de demandes de prêts de trois banques différentes les 3 août, 14 et 17 novembre 2017 ; que ces trois refus de prêt ont été adressés au notaire en charge de la vente dès leur réception ; que lorsque le notaire lui a demandé le 28 novembre 2017, de verser la somme de 12. 800 EUR au titre de l’indemnité d’immobilisation et l’a informé que les époux X ne souhaitaient plus donner suite à cette transaction, il avait eu un contact téléphonique avec M. X qui avait effectivement remis son bien en vente mais qui restait également en attente de savoir si elle réussissait à trouver un financement ; que le bien n’était donc pas immobilisé ; qu’en outre, pour pouvoir bénéficier de la condition suspensive liée à l’obtention d’un prêt, les époux X devaient mettre le bénéficiaire en demeure de justifier sous huitaine de l’obtention ou du refus d’une demande de prêt, ce qui n’a pas été le cas ; que la condition suspensive ne peut être considérée comme ayant été réalisée de sorte que les époux X ne peuvent solliciter l’indemnité d’occupation.
Les époux X, vendeurs, ont fait valoir, au visa des art. 1103 et 1104 du Code civil, que la SCI LD Patrimoine n’a jamais justifié de ses démarches effectuées auprès des établissements bancaires malgré les relances adressées par l’office notarial ; qu'elle fait une analyse tronquée de la condition suspensive de prêt ; que les refus de prêt qu’elle communique en cause d’appel ne sont pas suffisants pour établir que la condition suspensive a été réalisée; qu'elle est donc redevable de l’indemnité d’immobilisation ; qu’elle a communiqué un mail du 3 août 2017 d’un agent général AXA mentionnant un refus de prêt mais ne justifie pas de la demande de prêt qui a été formée auprès de cet établissement; que ce refus de prêt n’a jamais été adressé au notaire ; que ce refus est au surplus tardif eu égard à la date de réalisation fixée au 29 juillet 2017 par l’acte ; que les autres refus de prêts communiqués sans les demandes afférentes ne permettent pas plus de vérifier que le bénéficiaire a déposé des demandes de prêt conformes aux caractéristiques fixées à l’acte liant les parties ; que ces refus sont en outre tardifs.
La condition suspensive de financement est rédigée dans ses termes :
"qu’il soit obtenu par le bénéficiaire un ou plusieurs prêts entrant dans le champ d’application de l’article L. 313-1 du code de la consommation.
Pour l’application de cette condition suspensive, il est convenu au titre des caractéristiques financières des offres de prêts devant être obtenues :
* organisme prêteur : BNP PARIBAS ou tous organismes bancaires
* montant maximal de la somme empruntée : cent vingt-huit mille euros (128 000 €),
* durée de remboursement : 20 ans
* taux nominal d’intérêt maximum : 1,89% l’an (hors assurance)
* Garantie : que ce ou ces prêts soient garantis par une sûreté réelle portant sur les BIENS ou le cautionnement d’un établissement financier, à l’exclusion de toute garantie personnelle devant émaner de personnes physiques (sauf le cas de garanties personnelles devant être consenties par les associés et gérants de la société qui se rendrait acquéreur)
La condition suspensive sera réalisée en cas d’obtention d’une ou plusieurs offres définitives de prêts au plus tard le 29 juillet 2017 et de l’agrément définitif de l’emprunteur par une compagnie d’assurance aux conditions exigées par la banque.
Cette obtention devra être portée à la connaissance du PROMETTANT par leBÉNÉFICIAIRE.
''…''
Pour pouvoir bénéficier de la protection de la présente condition suspensive, leBÉNÉFICIAIRE devra :
- justifier du dépôt de ses demandes de prêts et du respect de ses obligations aux termes de la présente convention suspensive ;
- et se prévaloir, au plus tard à la date ci-dessus, par télécopie ou courrier électronique confirmé par courrier recommandé avec avis de réception adressée au PROMETTANT à son domicile élu, du refus de ce ou ces prêts.
A défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le PROMETTANT aura la faculté de mettre le BÉNÉFICIAIRE en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou la défaillance de la condition. Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au domicile ci-après élu.
Passé ce délai de huit jours sans que le BÉNÉFICIAIRE ait apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront caduques de plein droit, sans autre formalité, et ainsi le PROMETTANT retrouvera son entière liberté mais le BÉNÉFICIAIRE ne pourra recouvrer l’indemnité d’immobilisation qu’il aura, le cas échéant, versée qu’après justification qu’il a accompli les démarches nécessaires pour l’obtention du prêt, et que la condition n’est pas défaillie de son fait ; à défaut, l’indemnité d’immobilisation restera acquise au PROMETTANT…".
L’indemnité d’immobilisation a été fixée dans l’acte à 10 % du prix de vente.
L’acte prévoit s’agissant des conditions suspensives dont seul le bénéficiaire peut se prévaloir et auquel il peut renoncer, au rang desquelles la condition suspensive de financement, que 'à défaut par le bénéficiaire de se prévaloir de la non réalisation de l’une ou l’autre des conditions suspensives ci-après dans le délai de réalisation des présentes ou dans les délais spécifiques à certaines conditions, il sera réputé y avoir renoncé, et ce en application des dispositions de l’art. 1304-4 du Code civil.
Selon l’art. 1178 devenu 1304-3 du Code civil, 'La condition suspensive est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition qui en a empêché l’accomplissement'.
La condition suspensive d’obtention d’un prêt est réputée accomplie dès la délivrance d’une offre ferme et sans réserve caractérisant l’obtention d’un prêt conforme aux stipulations contractuelles.
La SCI LD Patrimoine communique en cause d’appel un courriel du 3 août 2017 d’un agent AXA banque ainsi qu’un courrier de BNP Paribas en date du 17 novembre 2017 l’informant d’un refus de financement. Ces deux pièces ne renseignent pas sur les caractéristiques des prêts sollicités. La SCI ne communique aucun justificatif du dépôt de ces deux demandes de prêt (attestation de demande de prêt ou autre) et des caractéristiques des financements sollicités auprès de ces deux banques de sorte qu’il n’est pas permis de vérifier que ces demandes sont conformes aux stipulations contractuelles s’agissant notamment du montant, de la durée et du taux des prêts. Ces deux refus sont postérieurs à la date du 29 juillet 2017. La SCI soutient avoir adressé ces deux refus au notaire en charge de la vente mais ne communique aucun justificatif à l’appui de cette allégation.
L’échange avec un représentant du CIC par courriels des 10 et 14 novembre 2017 est très imprécis. A supposer qu’il s’agisse d’un refus par cette banque d’une demande de prêt effectivement déposée par la SCI LD Patrimoine, aucun justificatif tant du dépôt de cette demande que des caractéristiques du prêt sollicité, n’est produit. A supposer même que la partie de sa pièce n°5 comportant l’adresse mail du notaire avec comme objet 'TR : Roanne’ sans que n’y figure la date, établisse qu’il a effectivement transféré ce courriel du CIC au notaire, cet envoi est tardif et ne répond pas entièrement aux exigences contractuelles puisque qu’il n’est pas justifié, ni même allégué, que cet envoi par courrier électronique a été confirmé par courrier recommandé avec avis de réception.
Aux termes de l’acte, l’envoi d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception par le promettant au domicile du bénéficiaire pour le mettre en demeure de lui justifier sous huitaine de la réalisation ou la défaillance de la condition, n’est qu’une simple faculté.
Le notaire en charge de la vente a demandé, en vain, à la SCI de lui faire parvenir une copie de son offre de prêt par courriels des 13 septembre, 3 octobre et 17 octobre 2017. La SCI ne justifie pas, ni même n’allègue, avoir répondu à la première demande et à la première relance. En réponse au courriel du 17 octobre 2017, M. Y a fait savoir qu’il était 'en train de finaliser le dossier de prêt et que si tout va bien la vente pourra se conclure avant fin novembre'. Il n’a alors pas fait état du refus de financement d’AXA banque du mois d’août précédant.
A la suite de la réception le 27 novembre 2017 du courrier recommandé du notaire l’informant que les époux X ne souhaitaient plus donner suite à la promesse, M. Y a tenté de gagner du temps en envoyant au notaire un courriel dans lequel il l’assure qu’il fait tout son possible pour obtenir le financement du bien, et qu’il doit avoir la réponse d’une banque sous quinze jours, et lui demande de ne "pas clore la procédure", sans toutefois l’informer des trois refus de prêts dont il allègue en cause d’appel.
En définitive, la SCI LD Patrimoine ne justifie pas du dépôt de demandes de prêts conformes aux stipulations contractuelles et ne s’est pas prévalu du refus de prêt(s) dans le délai fixé contractuellement par télécopie ou courrier électronique confirmé par courrier recommandé avec avis de réception.
C’est donc à juste titre et à bon droit que le tribunal a considéré que les époux X, vendeurs, sont fondés à lui réclamer l’indemnité d’immobilisation.
- Cour d'appel de Lyon, 1re chambre civile b, 10 mars 2020, RG n° 18/07965