Il ressort des dispositions combinées des articles 1400 et 1415 du Code général des impôts (CGI) que le redevable légal des taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties est le propriétaire de l'immeuble au 1er janvier de l'année d'imposition ou, le cas échéant, l'usufruitier, l'emphytéote, le preneur à bail à construction ou à réhabilitation, le preneur du bail réel solidaire ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel.
De même, le redevable légal de la taxe annuelle sur les bureaux, locaux commerciaux, de stockage, et d'aires de stationnement situés en Île-de-France (TSB-IDF) et de la taxe annuelle sur les surfaces de stationnement situées en Île-de-France (TASS) est le propriétaire du bien au 1er janvier de l'année d'imposition ou la personne titulaire de droits réels à cette date (CGI, art. 231 ter. - CGI, art. 1599 quater C).
Ce principe d'annualité conduit à ce que nulle autre personne que celles limitativement visées à ces articles ne puisse, en principe, être appelée en paiement de ces taxes par l'administration fiscale. Le principe souffre néanmoins une exception notable. En effet, l'article 1920-2 du CGI prévoit que le privilège du Trésor peut s'exercer en matière de taxe foncière « sur les récoltes, fruits, loyers et revenus des biens immeubles sujets à la contribution ».
Par une décision "SCI Les Roches" rendue le 22 février 2017, le Conseil d'État est revenu en partie sur sa jurisprudence favorable aux acquéreurs d'immeubles ainsi rendus redevables des dettes fiscales des vendeurs.
Dans cette affaire "SCI Les Roches", les sommes correspondant à la taxe foncière due par l'ancien propriétaire avaient été saisies par l'administration fiscale au moyen d'un avis à tiers détenteur délivré au locataire du nouveau propriétaire de l'immeuble, de sorte que l'acquéreur du bien immobilier n'avait pas acquitté lui-même ces sommes. Il a cependant engagé un recours en responsabilité pour faute de l'administration fiscale, et sollicité la condamnation de l'État à réparer son préjudice résultant de la perte de ses loyers..
Saisi de l'affaire, le Conseil d'État a jugé que les contestations relatives à l'existence et à la portée du privilège du Trésor ressortent exclusivement de la compétence du juge judiciaire en application des dispositions de l'article L. 281 du Livre des procédures fiscales (LPF), quelle que soit la forme du recours présenté par le requérant. La Haute Juridiction administrative précise que tel est notamment le cas lorsqu'elles se présentent « comme la contestation d'un acte de poursuite, comme une demande de restitution de l'impôt acquitté à la demande de l'administration, avec ou sans mise en œuvre d'un acte de poursuite, ou comme une demande de remboursement de cet impôt sur le fondement de la responsabilité pour faute de l'administration ».
Ainsi le Conseil d'État reconnaît que sa position conduit de facto à faire supporter à l'acquéreur d'un immeuble la charge d'un impôt dont il n'est pas le redevable légal compte tenu de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Le juge judiciaire lui considère que l'administration fiscale est parfaitement fondée à poursuivre le recouvrement de la taxe foncière due par un ancien propriétaire à l'encontre du nouveau propriétaire, ce dernier pouvant être substitué au redevable légal au sens des dispositions qui régissent cette taxe.
Mais l'acquéreur, rendu redevable de la taxe, pourra, le cas échéant, saisir le juge administratif s'il estime que le précédent propriétaire - dont il se retrouve de fait solidaire - n'en était pas redevable, ou s'il entend contester l'assiette ou le montant de l'impôt. Pour cela, il devra préalablement déposer une réclamation contentieuse auprès des services fiscaux, au plus tard le 31 décembre de l'année qui suit la réalisation de l'événement justifiant celle-ci au sens du b de l'article R.* 196-2 du LPF.
- Conseil d'Etat, assemblée plénière, fiscal, 22 février 2017, req n° 394.647, SCI Les Roches