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Le 23 novembre 2007

Question. Nous avons reçu plusieurs questions sur la caducité ou la non-caducité des cahiers des charges des lotissements antérieurs à la réforme de 1977/1978. Extrait de l'une de ces questions (résumé): "J'ai obtenu un permis de construire pour un terrain faisant partie d'un lotissement datant de 1951; ce permis a été affiché depuis 6 mois sans recours. Prochainement je dois passer l'acte notarié, mais un article du cahier des charges me pose problème. Le terrain acheté mesure 700 m² et le cahier des charges dit que la superficie de chaque lot ne devra jamais être inférieure à 500 m² pour les lots commerciaux et à 1.000 m² pour les autres. Or mon lot et d'autres étaient à l'époque du lotissement destinés à la création de commerces. Le POS actuel interdit toute création de commerce dans le secteur. Tous les lots du lotissement ont reçu la construction de maisons d'habitation. Seul celui que je veux acheter n'est pas construit. Les co-lotis ne m'ont pas paru favorable à une modification du cahier des charges. Est-ce que je cours un risque en construisant une maison d'habitation?" Réponse. Bien que la présente rubrique "Publica" soit celle du droit public, le problème soulevé relève uniquement du droit civil et non du droit administratif: le permis a été accordé et cette autorisation est devenue définitive, apparemment faute de recours ou de retrait. Ce problème est celui du caractère contractuel ou non contractuel du cahier des charges, sachant qu'avant la réforme précitée, il n'était pas fait de réelle distinction entre règlement, document administratif, et cahier des charges, document contractuel. Si le document est contractuel, il peut être opposé à tous sans limitation de temps et bien sûr il n'est concerné par aucune péremption, à la différence du règlement. La loi SRU du 13 décembre 2000 a ajouté à l'article L. 111-5 du Code de l'urbanisme une disposition selon laquelle "la seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel". Par ailleurs, la stipulation du cahier des charges indiquant que les co-lotis doivent respecter le règlement du lotissement ne suffit pas pour conférer aux dispositions de ce dernier valeur contractuelle (Cour de cassation, 3e Chambre civ., 22 mai 1996). En outre, selon l'administration, sont frappées de caducité toutes les règles (d'urbanisme), quel que soit le document qui en constitue le réceptacle, qui peuvent être édictées par un document d'urbanisme (Lettre circulaire du 25 juillet 1986). Il en résulte qu'une règle d'urbanisme insérée dans un cahier des charges approuvé peut être frappée de caducité au terme du délai de dix ans, sauf prorogation de ce délai. Au plan civil et selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la situation est différente. Selon la 3e Chambre civile, toutes les clauses des cahiers des charges ont un caractère contractuel, quel que soit leur contenu et quand bien même il s'agirait matériellement de règles d'urbanisme; peu importe que le cahier des charges ait été approuvé ou non par l'autorité administrative (24 octobre 1990, Épx de Juglart c/ de Jonckhaere). D'après une autre décision de la même Chambre: "quelle que soit sa date le cahier des charges d'un lotissement constitue un document contractuel dont les clauses engagent les co-lotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues". Le cahier des charges, acte contractuel, fait donc la loi des parties qui peuvent s'en prévaloir devant les tribunaux judiciaires. La Cour de cassation en tire la conséquence que l'action en démolition des constructions réalisées en infraction au cahier des charges échappe aux dispositions de l'article L. 480-13. Elle n'est pas subordonnée à l'annulation ou à la constatation de l'illégalité du permis de construire par le juge administratif (3e Chambre civ., 4 juin 1997, Cts Destang c/ Cts Lecomte). Le propriétaire d'un lot peut en conséquence être condamné à démolir une construction édifiée conformément à un permis de construire sans que le juge administratif l'ait au préalable annulé ou ait constaté son illégalité. Le demandeur n'a pas non plus à invoquer un quelconque préjudice: la violation du contrat doit être sanctionnée même en l'absence de cet élément (arrêt précité du 24 octobre 1990). L'intervention d'un plan d'occupation des sols (POS) - ou, aujourd'hui, celle d'un plan local d'urbanisme (PLU) - ne modifie pas cette analyse: "quelles que soient les dispositions de ce plan, le cahier des charges continue de régir les rapports entre co-lotis" (arrêt précité du 4 juin 1997). Il résulte de cette jurisprudence une contractualisation de dispositions qui pourraient paraître comme relevant du seul règlement du lotissement. À l'inverse, la stipulation du cahier des charges indiquant que les colotis doivent respecter le règlement du lotissement ne suffit pas pour conférer aux dispositions de ce dernier valeur contractuelle (Cour de cassation, 3e Chambre civ., 22 mai 1996). Pour la 3e Chambre civile de la Cour de cassation, toute clause d'un cahier des charges "approuvé ou non et quelle que soit sa date" est une clause contractuelle dans les rapports entre co-lotis (11 janvier 1995, Épx Thuillier c/ Épx Saint-Germain). Plusieurs arrêts de 2007 viennent confirmer cette position, alors que semblait se dessiner un assouplissement. Un premier arrêt a renvoyé aux juges du fond le soin d'apprécier souverainement les intentions des parties. En l'espèce, la reproduction mot pour mot, dans le cahier des charges, d'un règlement de lotissement établi en 1978 ne prouve pas que les co-lotis aient voulu conférer à ces règles une valeur contractuelle (Cour de cassation, 3e Chambre civ., 7 décembre 2005). En conséquence la règle qui interdisait de subdiviser les lots était devenue caduque. Mais un autre arrêt dit que les dispositions d'un cahier des charges approuvé par le préfet (sous l'ancien régime) et un plan annexé auquel ces dispositions se réfèrent, ne constituent pas un "règlement de lotissement", en raison de leur valeur contractuelle (même Chambre 7 décembre 2005). La 1re Chambre civile de la Cour de cassation a une attitude plus nuancée et fait jouer les critères organiques et formels au profit du règlement. Elle juge ainsi que le règlement approuvé par l'autorité administrative est un acte réglementaire et que "la circonstance que des dispositions d'un tel règlement auraient été légalement insérées dans un cahier des charges ne peut avoir pour effet d'en modifier la teneur réglementaire" (8 octobre 1986). De la même manière, elle décide que "la disposition du cahier des charges d'un lotissement dont les prescriptions présentent un caractère réglementaire du fait de son approbation préfectorale est une règle d'urbanisme" (13 octobre 1992); il s'agissait en l'espèce d'une clause relative à la destination des lots. La 1re Chambre civile en déduit que l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme est applicable. Dans la situation exposée, la clause de réservation des lots aux commerces semble de nature urbanistique. On pourrait aussi considérer que la clause de superficie minimale est dépendante de la précédente. Mais cette appréciation risque de ne pas tenir devant la juridiction, surtout si le litige devait aller devant la Cour de cassation, alors même qu'une application aussi rigoureuse porterait atteinte au droit de propriété. Le risque d'un recours avec une action en démolition ne peut donc être exclu, même s'il apparaît comme faible. Le notaire de l'acte de vente ne manquera pas de vous en prévenir. On ne peut guère espérer un texte allant au-delà de ce que la loi SRU a fait. Mais dans la situation exposée, il pourrait être invoqué a contrario, l'arrêt du 24 octobre 2007, pourvoi n° 04-15.924, de la 3e Chambre civ. qui rapporte l'attendu suivant: "Attendu que par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation que l'ambiguïté de la clause du cahier des charges rendait nécessaire, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que la notion d'habitations bourgeoises à laquelle la clause du cahier des charges fait référence pour définir et limiter la destination des constructions n'a pas pour seul effet d'exclure les locaux à usage commercial ou industriel, que cette notion implique une exigence de confort, d'aisance, de tranquillité et d'indépendance empreinte d'un certain individualisme, le tout en harmonie avec le milieu existant, qu'il s'agisse du cadre naturel ou du parti constructif environnant, que le milieu consiste en un site littoral auquel a été conféré une vocation de villégiature, le lotisseur ayant eu la volonté d'assurer à l'ensemble des co-lotis une vue sur la mer, et dont l'ancienneté se traduit par la répartition extérieure d'un habitat exclusivement résidentiel;" Puisque il pourrait être considéré qu'une habitation est susceptible de porter une atteinte moindre au cadre naturel qu'un local commercial.