Par un jugement en date du 7 mars 2017, le tribunal de grande instance de Brest a ordonné la démolition de l’extension réalisée en vertu du permis de construire du 14 décembre 2010 par les consorts Y sur leur propriété de Carantec, […] ; dit n’y avoir lieu à assortir cette condamnation d’une astreinte .
Les parcelles appartenant à Mme B, intimée, et aux époux Y, appelants, constituaient anciennement les lots 33 à […], lequel faisait l’objet d’un cahier des charges du 18 avril 1931, publié le 24 avril 1931. Son art. 12 prévoyait la construction des maçonneries en moëllons ou ciment armé, à l’exception d’agglomérés, avec toiture en ardoises. En 198, une dérogation a été apportée pour les vérandas.
L’extension des consorts Y a été construite en briques recouvertes d’un bardage en bois et couverte par une toiture en zinc.
C’est sur le fondement de ce texte que l’intimée a obtenu la démolition de l’extension, le tribunal ayant fait droit à son argumentation selon laquelle le cahier des charges avait une valeur contractuelle entre les colotis. Elle sollicite la confirmation du jugement et le prononcé d’une astreinte comminatoire.
Les appelants, les consorts Y, en sollicitent l’infirmation en soutenant que le chapître II dans lequel est inséré l’art. 12 a un caractère réglementaire et qu’il est caduc depuis le 10 octobre 1992, soit dix ans après l’adoption du plan d’occupation des sols le 10 octobre 1982 en application de l’article L.442-9 du code de l’urbanisme.
Le caractère réglementaire des dispositions du chapître 2 ne fait aucun doute en ce qu’il fait référence aux lois de 1919 et 1924, précise que l’administration a le pouvoir de les modifier et a été approuvé par un arrêté préfectoral en date du 28 juillet 1931.
Ces dispositions sont caduques en application de l’art. L. 442-9 du Code de l’urbanisme. Contrairement à ce que soutient l’intimée, la note de présentation du projet de mise en concordance du cahier des charges avec le plan local d’urbanisme conforte cette interprétation. Il y est écrit, en effet, que les règles d’urbanisme du cahier des charges sont obsolètes ou en contradiction avec le PLU, que les colotis ne les ayant pas reconduites, elles sont caduques, une allusion étant faite à des décisions du juge administratif en ce sens, que les projets de construction sont donc examinés uniquement au regard des dispositions du PLU, ce qui conduit à la délivrance d’autorisations pouvant contrevenir au cahier des charges, que la procédure d’enquêtepublique est ouverte suite à une vingtaine de courriers d’habitants du lotissement demandant qu’il soit mis fin à cette insécurité juridique. Il a été fait droit à leur demande puisque le maire a abrogé les articles 10 à 12 du cahier des charges par un arrêté du 30 mai 2016.
Toutefois, le tribunal a exactement rappelé la jurisprudence constante de la Cour de cassation aux termes de laquelle le cahier des charges d’un lotissement, quelle qu’en soit la date, même s’il a un caractère mixte et que ses dispositions réglementaires sont devenues caduques, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour les stipulations qui y sont contenues de sorte que ces derniers disposent d’une action contractuelle en cas de méconnaissance de celles-ci, y compris en l’absence de préjudice. Dans le cas d’espèce, l’opposabilité du cahier des charges aux consorts Y n’est pas discutée, celui-ci étant mentionné dans leur acte authentique en date du 20 juillet 1974.
Cependant, les appelants sont fondés à soutenir que la démolition de l’extension constituerait une sanction disproportionnée au regard de la gravité des non-conformités qui l’affectent. En effet, celles-ci ne causent aucun préjudice à l’intimée et, de plus, sont largement pratiquées dans le lotissement où les toitures en matériaux autres que l’ardoise, notamment en zinc, sont majoritaires (33 des 53 parcelles selon la pièce 2 b des appelants). Mme B, intimée, ne peut donc sérieusement invoquer l’harmonie architecturale du lotissement ni en reporter la responsabilité sur les consorts Y qui auraient "créé une brèche" puisque le zinc est imposé par l’architecte des bâtiments de France aux constructions situées dans le périmètre du monument historique. Enfin, il ne peut pas ne pas être tenu compte de l’abrogation des art. 10 à 12 par le maire à la date à laquelle le juge statue, peu important qu’à l’époque de la construction de l’extension, ils aient été applicables.
Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a accueilli la demande de démolition.
- Cour d'appel de Rennes, 4e chambre, 5 septembre 2019, RG n° 17/02603