Les consorts X soutiennent, à titre principal, que le mur litigieux est constitutif d’un trouble anormal de voisinage en raison de son caractère inesthétique, de l’obstruction de vue et de la perte d’ensoleillement en résultant et de l’aggravation de la servitude d’écoulement des eaux pluviales consécutive à sa réalisation, d’autant que leur voisin a modifié la déclivité du terrain. Ils ajoutent que cet ouvrage génère une moins-value conséquente de leur propriété.
Il est constant que M. H Q R a obtenu une autorisation de construire pour y édéfier sa maison à usage d’habitation délivrée par M. le maire de D E, le projet comprenant notamment l’édification d’un mur de soutènement, lequel, ainsi qu’il en résulte du plan d’état des lieux du géomètre-expert, M. F G, se situe bien sur la propriété de M. H Q R.
Le droit d’un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibée par la loi ou les règlements, est limité par l’obligation qu’il a de ne pas causer à la propriété d’autrui aucun dommage excédant les inconvénients anormaux de voisinage.
Il s’agit d’une cause de responsabilité objective, à savoir qu’elle suppose uniquement que soit rapportée la preuve d’un trouble dépassant les inconvénients normaux ou ordinaires du voisinage.
Si le respect des dispositions légale n’exclut pas l’existence d’éventuelle troubles excédant les inconvénients anormaux de voisinage, il appartient aux consorts X de justifier de l’anormalité du trouble allégué par son caractère excessif lié notamment à son intensité ou à sa répétitivité.
Au soutient de leurs prétentions, ces derniers produisent un constat d’huissier, des photographies et un avis de valeur immobilière en date du 28 juillet 2016.
Aux termes de son constat dressé le 30 juillet 2014, l’huissier relève que 'Je note que l’accès à la propriété du requérant se fait par l’arrière de la bâtisse coté Ouest entre le mur et celle-ci et suis d’ailleurs contraint de m’y rendre à pieds. Je remarque que le mur est composé côté Ouest de la parcelle du requérant de trois hauteurs identiques de béton banché. Je mesure alors la première hauteur qui est de 2,60 mètres et calcule donc la hauteur totale du mur côté Ouest qui est de 3X 2,60= 7,80 mètres de haut en tout. J’ajoute que ce mur dépasse aisément de plusieurs mètres le faîtage du toit du requérant (…) Par ailleurs je constate que l’ensemble des trous d’évacuation des eaux pluviales sortent de ce mur sur la parcelle du requérant (…) Je remarque que l’ensemble des trous permettant de fixer les banches n’ont pas été refermées et que de nombreuses projections sont présentes tant sur la façade ouest de la bâtisse du requérant que sur son portail d’entrée. Je mesure ensuite la largeur existant entre le mur en béton situé en limite Ouest de la propriété du requérant et sa bâtisse, largeur qui est de 1, 30 m environ au plus large. La fille du requérant me précise que l’entrée sur la propriété s’est toujours faite par là, et que l’accès à la parcelle a été considérablement réduit alors qu’il n’en existe pas d’autre. A cette occasion, je remarque la présence d’une fenêtre côté Ouest de la bâtisse du requérant ouvrant sur le mur en béton en vue directe.'
A la lecture de ces constatations, l’accès à la maison est inchangé et contrairement aux allégations des consorts X, l’espace entre le mur édifié sur la propriété de M. H Q R et la maison X est identique sauf à considérer que M. X empiétait sur le terrain voisin.
L’affirmation selon laquelle M. H aurait modifié la déclivité du terrain n’est étayée par aucun élément, de même que la privation d’ensoleillement, l’huissier n’ayant pour sa part rien indiqué sur ce point et les photocopies de photographies ne démontrant rien à défaut d’autres éléments de comparaison et de précisions d’heure, de date et d’orientation de la maison.
Les consorts X prétendent par ailleurs que l’existence de trous d’évacuation dans le mur, au demeurant imposés par le DTU pour éviter tout basculement de l’ouvrage, rend impraticable l’accès à leur propriété et aggrave à la servitude naturelle d’écoulement des eaux.
Il n’est pas contesté qu’en application de l’article 640 du code civil, le fonds X est situé au pied de la colline au sommet de laquelle se trouve le fonds H, de sorte que le premier, de par la seule configuration des lieux, est assujetti à une servitude d’écoulement des eaux au profit du second.
L’existence d’une aggravation de cette servitude naturelle d’écoulement des eaux ne ressort d’aucune pièce, ni davantage que l’accès la propriété X serait impraticable en cas de pluie. L’huissier de justice a uniquement constaté des projections de béton présentes sur la façade Ouest de la bâtisse et le portail d’entrée X, les photocopies couleurs qui sont jointes à son procès-verbal mettent en évidence que ces projections sont de tailles très réduites, ce qui ne permet absolument pas de caractériser un troubleexcessif, excédant les limites que chacun doit supporter.
Le caractère inesthétique du mur ne peut à lui seul justifier l’existence d’un tel trouble et relève d’ailleurs de la pure subjectivité. L’avis de valeur établi par le cabinet d’expertise immobilière M N O ne permet nullement de conclure à une moins-value de la maison X compte tenu de la présence du mur litigieux. En effet, il est certes fait état de cet ouvrage qui ' peut occasionner certaines nuisances', plus particulièrement une humidification du bâti et de la paroi, ce qui n’est d’ailleurs ni allégué, ni établi, mais rien ne permet d’en déduire une quelconque conséquence sur l’évaluation finale du bien, qui prend en compte au titre des points négatifs l’état de vétusté de la bâtisse, construite en mitoyenneté, avec des nuisances de bruits ( proximité immédiate d’exploitation industrielle, d’une ligne de chemin de fer et d’une nationale à grande circulation ).
Il s’ensuit que la moins-value avancée comme conséquence de l’édification du mur n’est pas avérée et encore moins à hauteur du montant réclamé ( 80.000 €).
- Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 10 septembre 2020, RG n° 19/06999