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Le 09 octobre 2022

Il n'est pas caractérisé un manquement suffisamment grave de l'usufruitière, âgée de plus de 70 ans, en état d'invalidité, à son obligation d'entretien, pour justifier de l'extinction de son usufruit dans les conditions de l'article 618 du Code civil. Il est en revanche fait droit à sa demande de conversion de son usufruit en rente viagère annuelle.

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En vertu de l'article 578 du code civil, l'usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d'en conserver la substance.

L'article 605 dudit code dispose que l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien, les grosses réparations demeurant à la charge du propriétaire, à moins qu'elles n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit ; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu. L'article 606 précise que les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières, celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d'entretien.

En vertu de l'article 617 du code civil, l'usufruit s'éteint par la mort de l'usufruitier, par l'expiration du temps pour lequel il a été accordé, par la consolidation ou la réunion sur la même tête, des deux qualités d'usufruitier et de propriétaire, par le non-usage du droit pendant trente ans ou par la perte totale de la chose sur laquelle l'usufruit est établi.

L'article 618 ajoute que l'usufruit peut aussi cesser par l'abus que l'usufruitier fait de sa jouissance, soit en commettant des dégradations sur le fonds, soit en le laissant dépérir faute d'entretien. (...) Les juges peuvent, suivant la gravité des circonstances, ou prononcer l'extinction absolue de l'usufruit, ou n'ordonner la rentrée du propriétaire dans la jouissance de l'objet qui en est grevé, que sous la charge de payer annuellement à l'usufruitier, ou à ses ayants cause, une somme déterminée, jusqu'à l'instant où l'usufruit aurait dû cesser.

Par ailleurs, aux termes de l'article 759 du code civil, tout usufruit appartenant au conjoint sur les biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament ou d'une donation de biens à venir, donne ouverture à une faculté de conversion en rente viagère, à la demande de l'un des héritiers nus-propriétaires ou du conjoint successible lui-même.

L'article 760 dudit code ajoute qu'à défaut d'accord entre les parties, la demande de conversion est soumise au juge. Elle peut être introduite jusqu'au partage définitif. S'il fait droit à la demande de conversion, le juge détermine le montant de la rente, les sûretés que devront fournir les cohéritiers débiteurs, ainsi que le type d'indexation propre à maintenir l'équivalence initiale de la rente à l'usufruit.

Mme H C veuve C sollicite à titre principal la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a ordonné la conversion de son usufruit en rente viagère et acquiesce à titre subsidiaire à la demande reconventionnelle de M. Y C tendant au constat ou au prononcé de l'extinction de son usufruit.

M. Y C sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a ordonné la conversion de l'usufruit de Mme H X veuve C et de mande à titre principal que soit constatée l'extinction de l'usufruit de celle-ci pour manquement à ses obligations d'usufruitière ayant entraîné la dévalorisation de l'immeuble objet de l'usufruit.

La cour observe qu'avant d'ordonner le cas échéant la conversion de l'usufruit, il convient d'apprécier l'existence d'éventuelles causes d'extinction de l'usufruit.

A cet égard, pour entraîner l'extinction de l'usufruit, il convient de caractériser l'existence de manquements suffisamment graves de l'usufruitier à ses obligations, l'abandon des lieux ou le défaut d'entretien superficiel du l'immeuble, tel que l'entretien du jardin ne constituant pas nécessairement un abus de jouissance de nature à justifier la déchéance. Enfin, en fonction de la gravité des manquements constatés, il peut être ordonné l'extinction absolue de l'usufruit, ou son extinction à charge pour le propriétaire de verser une rente à l'usufruitier.

En l'espèce, il ressort des éléments versés aux débats que Mme H X veuve C, âgée de plus de 70 ans comme étant née le 2 octobre 1947, est reconnue en invalidité 2ème catégorie depuis 1988. Son médecin traitant atteste le 7 septembre 2018 qu'elle est suivie en rhumatologie pour des douleurs rachidiennes et des membres inférieurs et que son état de santé l'empêche de vivre seule à son domicile sis [Adresse], d'autant qu'il s'agit d'une maison à étages. Sa soeur, Mme M F atteste également que son état de santé physique et moral ne lui permet plus de rester seule et 'd'assumer une si grande maison ainsi que son terrain'.

M. Y C produit des courriers de mise en demeure qui lui ont été adressés par la mairie de Fourmies les 21 juin 2018, 15 juillet 2019, 15 juillet 2020 et 5 juillet 2021, pour l'informer que des personnes du voisinage se sont plaints de l'absence d'entretien du terrain autour de la maison et lui demander de procéder à son nettoyage.

Mme H X veuve C reconnaît que depuis son déménagement en 2017, elle a coupé l'eau, le gaz et l'électricité de la maison et qu'elle ne s'y rend qu'une fois par an avec sa soeur, pour en assurer l'entretien.

Elle produit par ailleurs des factures de remplacement de la chaudière de radiateurs et du chauffe-eau, ainsi que les attestations d'assurance du logement dont elle assure également le paiement de la taxe foncière.

Le logement, estimé par le notaire le 26 novembre 2014 à la valeur de 90.000 EUR, n'est plus estimé le 30 mai 2017 qu'à la valeur de 40.000 EUR, 'compte tenu de son état, de l'état du marché actuel immobilier et de la situation économique locale'.

Il n'est cependant pas versé aux débats d'expertise de l'immeuble ni d'état descriptif précis de celui-ci.

Dès lors, il est difficile de déterminer, dans la dernière évaluation du notaire, les facteurs précis déterminants de son évaluation à la baisse.

Ainsi, s'il peut objectivement être reproché à Mme H X veuve C un entretien insuffisant du jardin et le fait d'avoir laissé l'immeuble sans eau, ni gaz, ni électricité depuis son départ des lieux courant 2017, cet état de fait ne peut lui être imputé à tort alors d'une part que les dégradations de l'immeuble ne sont pas objectivées par des constatations précises et d'autre part, qu'elle a interpellé son beau-fils, nu propriétaire, dès le 12 mars 2018, pour lui indiquer qu'elle ne pouvait plus occuper la maison pour raisons de santé et lui proposer le partage avec attribution de la maison à charge de versement d'une soulte ou la vente de la maison avec répartition du prix, qu'elle l'a ensuite relancé par courrier recommandé du 30 mai 2018, sans provoquer de réaction de sa part.

Dans ces conditions, la cour estime qu'il n'est pas caractérisé un manquement suffisamment grave de l'usufruitière à son obligation d'entretien pour justifier de l'extinction de son usufruit dans les conditions de l'article 618 du code civil susvisé.

Il sera en revanche fait droit à sa demande de conversion de son usufruit en rente viagère annuelle, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Référence: 

- Cour d'appel de Douai, 1re chambre, 1re section, 30 Juin 2022, RG n° 20/04609