Conformément à l'article L 411-31 II du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie d'une contravention aux dispositions du premier alinéa de l'article L. 411-38 ou d'une contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L. 411-37, L. 411-39, L. 411-39-1, si elle est de nature à porter préjudice au bailleur.
L'article L411-38 du même code dispose que le preneur ne peut faire apport de son droit au bail à une société civile d'exploitation agricole ou à un groupement de propriétaires ou d'exploitants qu'avec l'agrément personnel du bailleur et sans préjudice du droit de reprise de ce dernier. Les présentes dispositions sont d'ordre public.
En application de l'article L 411-37 du même code, le preneur associé d'une société à objet principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, à la condition d'en aviser le bailleur au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée.
En cas de mise à disposition de biens, le preneur qui reste seul titulaire du bail doit, à peine de résiliation, continuer à se consacrer à l'exploitation de ces biens, en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l'importance de l'exploitation.
A l'appui de ces dispositions, Mmes B. N. sollicitent la résiliation du bail considérant que M. Xavier M. a fait un apport de son droit au bail à la SARL Espace Équitation sans en avoir, au préalable, obtenu l'agrément.
M. Xavier M. et la SARL Espace Équitation soutiennent quant à eux qu'un bail a été conclu entre Mme K. ép. Al B. N. et M. Xavier M., puis entre celle-ci et la SARL Espace Équitation, à compter d'octobre 1996, date de la constitution de la société. Les intimés contestent ainsi toute cession ou apport du bail à la SARL Espace Équitation ou toute mise à disposition des parcelles louées à cette même société.
S'agissant de la conclusion d'un bail verbal entre Mme K. ép. Al B. N. et la SARL Espace Équitation, il convient en premier lieu de relever qu'une telle hypothèse suppose que le premier bail verbal entre la propriétaire des parcelles et M. Xavier M. ait été résilié, afin de permettre à cette dernière de louer les mêmes parcelles à la SARL Espace Équitation. Or, M. Xavier M. ne justifie d'aucune résiliation de bail. Il continue d'ailleurs de revendiquer le statut de preneur, sans lequel il aurait dans la présente instance sollicité sa mise hors de cause. Également, si un bail rural verbal avec la SARL Espace Équitation était venu se substituer à celui le liant avec Mme K. ép. Al B. N., il n'explique pas pour quelle raison il aurait payé, lui-même, un fermage en 1999 à Mme K. ép. Al B. N., tel que cela résulte des avis de versement produits par les appelantes.
Force est, dès lors, de constater que les intimés ne rapportent pas la preuve de la conclusion d'un «nouveau bail » verbal entre Mme K. ép. Al B. N. et la SARL Espace Équitation.
L'apport en société du droit au bail tel que prévu par le texte susvisé n'est envisageable qu'à l'égard d'une société civile d'exploitation agricole (SCEA) ou d'un groupement de propriétaires ou d'exploitants. Il ne peut bénéficier à une société commerciale. Au surplus, l'apport du droit au bail doit répondre à un formalisme spécifique, s'agissant notamment de l'agrément du bailleur. Il emporte comme conséquence un changement de titulaire, le bail étant transféré à la société.
Mmes B. N. soutiennent que M. Xavier M. a apporté son droit au bail à la SARL Espace Équitation.
De prime abord, il convient de relever que l'apport du droit au bail à une SARL n'est pas prévu par les textes, seules une SCEA ou à un groupement de propriétaires ou d'exploitants pouvant en bénéficier. Un apport à une société autre que celle visée par l'article L411-38 du code rural et de la pêche maritime constituerait une cession prohibée.
Également, l'apport implique une démarche spécifique de la part du preneur, il ne peut être implicite. Or, aucune des pièces versées au dossier ne viennent démontrer de volonté de la part du preneur de céder son droit au bail à la société dont il est le gérant. M. Xavier M. ne confirme pas avoir apporté son droit au bail à la SARL Espace Équitation et avoir de fait perdu sa qualité de preneur. Le seul fait qu'à compter d'une certaine date le fermage ait été réglé par la SARL Espace Équitation, et non plus par M. Xavier M., ne saurait suffire à démontrer l'existence d'un apport du droit au bail, ce paiement pouvant uniquement résulter d'un accord avec M. Xavier M., lequel conserve cependant sa qualité de preneur.
Ainsi, les consorts B. N. ne peuvent soutenir que M. Xavier M. a transféré sa qualité de preneur à la SARL Espace Équitation dans les conditions de l'article L 411-38 susvisé sans apporter des éléments de preuve, lesquels en l'espèce font défaut. Or, c'est au bailleur qui invoque une cession prohibée d'en justifier.
S'il n'est pas contesté que la SARL Espace Équitation exploite les terres louées, il n'est en revanche aucunement démontré qu'elle est devenue seule titulaire du droit au bailau détriment du preneur initial.
Dès lors, pas plus qu'il n'est démontré l'existence d'un bail verbal conclu entre Mme K. ép. Al B. N. et la SARL Espace Équitation, il n'apparait pas justifié d'un apport du droit aubail par M. Xavier M. à cette société.
L'exploitation des terres par la SARL Espace Équitation ne peut, en conséquence, que résulter d'une mise à disposition de celles-ci par M. Xavier M.. Dans cette hypothèse, tel que mentionné à l'alinéa 4 de l'article L411-37 du code rural et de la pêche maritime susvisé, le preneur reste seul titulaire du bail et doit continuer à se consacrer à l'exploitation du bien loué en participant sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente. Tel est le cas dans la présente espèce, M. Xavier M. ne contestant pas qu'il continue l'exploitation des parcelles louées conjointement avec la SARL Espace Équitation. Le fait que, dans leurs différentes écritures, tant dans la présente instance que dans les instances précédentes, les intimés aient attribué la qualité de locataire, de manière aléatoire, soit à M. Xavier M. soit à la SARL Espace Équitation, s'explique indiscutablement par le litige qui oppose les parties et l'argumentation de ces derniers qui souhaitaient voir les juridictions reconnaître l'existence d'un bail au profit de cette dernière.
La mise à disposition des biens loués au profit d'une société n'est pas subordonnée à l'autorisation du propriétaire. Il convient cependant que celui-ci soit informé des modalités de l'opération.
Le fermier est tenu d'informer le bailleur, au plus tard dans les 2 mois qui suivent la mise à disposition, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, mentionnant le nom de la société, les parcelles que le preneur met à sa disposition et le tribunal de commerce auprès duquel cette société est immatriculée.
Si les éléments de l'espèce ne permettent pas de déterminer avec précision la date de la mise à disposition par M. Xavier M. des parcelles louées, il y a lieu de considérer que cette mise à disposition est concomitante avec la prise en charge des fermages par la SARL Espace Équitation. Les appelantes versent aux débats des avis de versements mentionnant des paiements réalisés en août 2000 par ladite société. Les précédents avis de versement mentionnent des paiements réalisés par M. Xavier M.. Au regard de ces éléments, il convient de considérer que c'est à compter de cette date que la mise à disposition des parcelles est devenue effective. Il en résulte qu'en l'espèce, l'article L 411-37 du code précité doit trouver application dans sa rédaction postérieure à la loi du 9 juillet 1999.
Ainsi, aux termes de l'alinéa 3 de l'article L 411-37 modifié par la loi du 09 juillet 1999, lebail ne peut être résilié que si le preneur n'a pas communiqué les informations prévues à l'alinéa précédent dans un délai d'un an après mise en demeure par le bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. La résiliation n'est, toutefois, pas encourue si les omissions ou irrégularités constatées n'ont pas été de nature à induire le bailleur en erreur.
L'article L 411-31 II 3° du code précité ajoute que, pour que la résiliation soit prononcée par le juge, le bailleur doit démontrer qu'il a subi un préjudice.
Il s'ensuit que la sanction de la mise à disposition irrégulière n'est encourue que si le locataire n'a pas réagi dans l'année de la mise en demeure adressé par le bailleur, lequel doit démontrer que l'omission l'a induit en erreur et lui a causé un préjudice.
Il est constant que M. Xavier M. n'a pas satisfait à cette obligation d'information de la bailleresse ou de ses héritières.
De leur coté, Mmes B. N. ne justifient pas avoir adressé à M. Xavier M., et ce, même après avoir pu constater que les fermages étaient réglés par la SARL Espace Équitation, de mise en demeure de communiquer les informations relatives à cette société.
Ainsi, à défaut de mise en demeure adressée par les bailleresses au preneur, la résiliation du bail n'est pas encourue, et ce, d'autant que celles-ci étaient en mesure de constater que les fermages ont été réglés pendant plusieurs années par la SARL Espace Équitation, sans qu'elles n'aient estimé nécessaire d'interpeller le preneur sur la situation, ce qui démontre parfaitement que leur information tardive n'a pas été de nature à les induire en erreur.
Mmes B. N. ne démontrent pas davantage que le non-respect par le preneur des obligations de l'article L 411-37 du Code rural et de la pêche maritime sont de nature à leur porter préjudice comme exigé par l'article L 411-31 II 3° du même code. En effet, les appelantes ne versent au dossier à ce titre aucune pièce, et n'invoque pas davantage de préjudice pouvant résulter de cette situation.
Aucune résiliation du bail rural n'est donc encourue sur ce fondement.
- Cour d'appel de Nîmes, 2e chambre civile, section B, 11 décembre 2020, RG n° 19/02641