Partager cette actualité
Le 01 mars 2009
L'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 16 décembre 2008 (N° de pourvoi : 07-13081) vient ainsi trancher un litige concernant le fait générateur d'une créance de TVA due par le contribuable suite au non respect du délai de 5 ans dont il disposait pour vendre des immeubles afin de rester soumis au régime de la TVA immobilière de l'article 257-7 du Code Général des Impôts.
L'article 257-7 du Code Général des Impôts prévoit que suite à l'achèvement de l'immeuble, la première mutation de celui-ci effectuée dans un délai de 5 ans sera soumise à la TVA immobilière (quatre ans plus prorogation d'un an prévue par la loi de finances rectificative du 31 décembre 1992). Cette mutation soumise à TVA permettra ainsi à son vendeur de récupérer la TVA qui a grevé l'acquisition de l'immeuble. Or, par principe la TVA est déductible par le vendeur au moment ou elle devient exigible chez l'acheteur, le temps de latence entre le paiement de la TVA et la facturation dans le délai de 5 ans représentant donc une indisponibilité de trésorerie généralement conséquente. Afin d'y remédier, l'article 242-O-A du Code Général des Impôts permet de demander un crédit de TVA à l'administration fiscale afin d'anticiper l'effet de la déduction. Toutefois, si la vente n'est pas effectuée dans ce délai, les biens ne peuvent plus être vendus en facturant de la TVA, leur cession devenant soumise aux droits d'enregistrement. Par conséquent la TVA ne pouvant être exigible chez les acheteurs futurs de ces biens, le bénéfice du remboursement du crédit de TVA sur les biens non vendus dans le délai de 5 ans tombe, et le contribuable doit donc rendre la TVA indument remboursée.
En l'espèce, le problème posé relativement à ce régime particulier de TVA est de connaître le fait générateur de la créance que détient l'administration fiscale sur la SCI du fait de l'absence de vente de certains immeubles dans le délai imparti.
L'argumentaire de la SCI visait à considérer cette créance comme antérieure au jugement d'ouverture du redressement judiciaire rendu à son encontre en novembre 1999. En effet, celle ci arguait du fait que l'impôt est dû dès la première opération soumise à la TVA et que le droit à déduction du redevable qui en résulte demeure soumis à la réalisation d'opérations imposables ultérieures (la vente réelle des immeubles en question), le remboursement de TVA n'est donc nullement acquis au moment ou il est accordé par l'administration fiscale. Selon elle il s'agit donc d'un mécanisme qui prend naissance avec la première opération taxable et qui s'achève à l'issue du délai de régularisation.
L'administration quant à elle tentait de démontrer que le fait générateur de sa créance était composé de deux faits postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective, d'une part de l'expiration du délai en 2000, et d'autre part du changement d'affectation subséquent de ces immeubles qui a généré une imposition nouvelle au titre d'une livraison à soi même, les immeubles autrefois inscrits en stock car destinés à la vente étant transférés en tant qu'éléments de l'actif immobilisé.
La chambre commerciale de la Cour de cassation est venue mettre fin au débat en se positionnant de façon lapidaire en faveur de l'administration fiscale : « le fait générateur de la créance de l'administration fiscale était l'expiration du délai de cinq ans, le 15 mai 2000, de sorte que la créance qui n'était pas née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, le 16 novembre 1999, n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration ».
Toutefois, il est important de noter que la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises prend à contre pied cet arrêt de la chambre commerciale, puisque seules « les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur, pour son activité professionnelle, pendant cette période, sont payées à échéance » et bénéficient en outre du privilège du créancier postérieur au jugement d'ouverture. (L 622-17 du code de commerce concernant la procédure de sauvegarde et le redressement judiciaire, L 641-13 du code de commerce concernant la procédure de liquidation judiciaire). L'ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme des entreprises en difficulté supprime par ailleurs la réserve « pour son activité professionnelle ».
Il semble donc que la victoire du fisc soit de courte durée, les créances fiscales antérieures et postérieures étant certainement condamnées à être déclarées faute d'utilité pour la procédure, celles ci n'étant par ailleurs pas la contre partie d'une prestation fournie au débiteur.
Référence:
Matthieu Bultel, magistère DJCE 2e année, 2008-2009