Par acte reçu le 26 décembre 2013 par M. N (le notaire), Mme T a consenti à son fils, né le 29 juillet 1994, une donation d’usufruit portant sur un appartement.
Le 5 mai 2015, l’administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification des droits de mutation au motif que, le bénéficiaire de la donation étant âgé de moins de 21 ans, la valeur de l’usufruit étant de 90 % et non de 50 % comme évalué à tort par le notaire.
Mme T a assigné le notaire et son assureur, la compagnie LSN Assurances, en responsabilité et indemnisation.
Un arrêt, devenu irrévocable de ce chef, a retenu que le notaire avait commis une faute engageant sa responsabilité professionnelle.
Mme T a fait grief à l’arrêt d'appel de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que la cour d’appel s’étant placée, pour statuer sur le litige, dans l’hypothèse dans laquelle l’objectif de Madame [O] n’était pas « du tout» de réduire l’assiette de son imposition de solidarité sur la fortune, elle ne pouvait légalement déduire de l’incidence fiscale, sur cette imposition, de l’acte litigieux instrumenté par le notaire, l’absence de préjudice subi en raison de la faute commise par ce dernier ; qu’en statuant néanmoins comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 1382 devenu 1240 du code civil ;
2°/ en tout état de cause, que le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale constitue un dommage indemnisable lorsqu’il est établi que, dûment informé, il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre; que si, pour apprécier le préjudice résultant du redressement fiscal consécutif à la donation litigieuse, le juge devait prendre en compte le coût fiscal des autres solutions juridiques licitement envisageables pour atteindre l’objectif souhaité par la cliente, la cour d’appel ne pouvait, comme elle l’a fait, s’interroger sur les effets de l’acte litigieux sur l’impôt de solidarité sur la fortune éventuellement dû par Madame [O], qui était étranger à la fiscalité de la donation envisagée par cette dernière, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 1382 devenu 1240 du code civil;
5°/ en toute hypothèse, qu’en écartant le préjudice subi par Madame [O] par la considération tirée de l’exonération de son fils du paiement des droits sur le bien immobilier en cause lors de la succession de sa mère, la cour d’appel, qui a déduit l’absence de préjudice subi par la mère d’une économie future réalisée par son fils, s’est prononcée par un motif inopérant, et a violé l’article 1382 devenu 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour de cassation au visa de l’article 1382, devenu 1240, du code civil :
Le paiement de l’impôt mis à la charge d’un contribuable à la suite d’une rectification fiscale ne constitue pas un dommage indemnisable sauf s’il est établi que, dûment informé ou conseillé, il n’aurait pas été exposé au paiement de l’impôt rappelé ou aurait acquitté un impôt moindre.
Pour rejeter la demande d’indemnisation de Mme T, au titre de la perte d’une chance de renoncer à la donation litigieuse, l’arrêt retient, d’une part, que, même si l’objectif de l’acte n’était pas de réduire l’assiette de son imposition à l’ISF, l’intéressée, qui ne fournit aucun élément sur sa situation fiscale globale et sur le montant précis de l’ISF qu’elle doit acquitter, ne prouve pas que la donation temporaire de l’usufruit qu’elle envisageait, d’après elle, aurait pu entraîner une fiscalité plus avantageuse que l’avantage fiscal pluriannuel qui lui a été conféré par la donation définitive, d’autre part, que le paiement des droits d’enregistrement au titre de la donation définitive permettra à son fils d’être exonéré des droits de succession sur le bien en cause.
En statuant ainsi, par des motifs impropres à établir qu’en l’absence de faute du notaire, Mme T n’aurait pas opté pour une solution fiscalement plus avantageuse, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
- Cour de cassation, Chambre civile 1, 9 mars 2022, pourvoi n° 20-14.375. Inédit