Suivant acte authentique reçu le 22 avril 1993 par M. C., notaire membre de la société civile professionnelle William P., Jacques B., Cathy B. et Corinne P. (la SCP), la commune de Montrouge a, par voie d’expropriation, acquis un immeuble dans lequel était exploité un fonds de commerce dont étaient propriétaires indivis, M. A. d’une part, et Mme C. et son fils, M. Ben S. (les consorts Ben S.), d’autre part. L’acte prévoyait la mise sous séquestre de l’indemnité d’éviction versée par la commune entre les mains de l’office notarial, et son placement jusqu'au règlement définitif d’un litige opposant M. A. et les consorts Ben S. sur la répartition des bénéfices et charges d’exploitation du fonds de commerce.
Le 25 janvier 2007, les consorts Ben S. ont fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la SCP en exécution d’un arrêt de la cour d’appel de Versailles du 18 février 2005, condamnant M. A. à leur payer la somme de 135.000 EUR.
Reprochant à la SCP d'avoir libéré les fonds objet du séquestre au seul profit des consorts Ben S., alors que le litige était toujours en cours, M. A. a assigné la SCP en responsabilité et indemnisation.
Aux termes de l’article 1956 du Code civil, le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes d’une chose contentieuse, entre les mains d’un tiers qui s’oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l’obtenir.
Il résulte de l’article 24 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, applicable au présent litige, que le tiers entre les mains duquel est pratiquée une saisie ne peut être condamné au paiement des causes de la saisie que s'il s'y oppose sans motif légitime.
En l'espèce, l'acte authentique d'acquisition par la commune, par voie d’expropriation, d'un immeuble dans lequel était exploité un fonds de commerce appartenant à plusieurs propriétaires indivis, prévoyait la mise sous séquestre de l’indemnité d’éviction versée par la commune entre les mains de l’office notarial, et son placement jusqu'au règlement définitif d’un litige opposant les propriétaires indivis sur la répartition des bénéfices et charges d’exploitation du fonds de commerce. Le 25 janvier 2007, des propriétaires indivis ont fait pratiquer une saisie-attribution entre les mains de la SCP notaire en exécution d’un arrêt de la cour d’appel du 18 février 2005, condamnant un autre propriétaire indivis à leur payer la somme de 135.000 EUR. La SCP a libéré les fonds objet du séquestre au seul profit des premiers. L’arrêt de cour d'appel attaqué retient qu’à la date de la remise des fonds, la SCP avait connaissance du pourvoi formé contre l'arrêt du 18 février 2005 et les sommes séquestrées n'étaient pas disponibles dès lors que la convention prévoyait leur placement jusqu'au règlement définitif du litige opposant les indivisaires, lequel ne s'est dénoué qu'avec l'arrêt du 12 mai 2011, à l’issue du renvoi de cassation de l'arrêt du 18 février 2005, et qu’elle était débitrice d'une obligation de restitution des fonds restant séquestrés après extinction des causes des différentes sûretés et oppositions.
De ses constatations et énonciations, faisant ressortir que la SCP notaire tiers saisi avait un motif légitime de s'opposer à la remise des fonds en l'absence d’achèvement de la procédure et de certitude sur les sommes dues entre les indivisaires, la cour d’appel a pu déduire qu’elle avait commis une faute en les libérant au profit d'indivisaires.
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 30 juin 2021, pourvoi n° 18-22.978