Sur le rapport de la somme de 28. 812 EUR au titre de la soulte due par A Z à l’occasion de la donation-partage du 19 février 1985 :
Mme X soutient que la soulte de 28. 812 EUR a été payée par des fonds qui ont été remis par le défunt à son frère, M. A Z, réalisant ainsi une donation déguisée.
Les consorts Z soutiennent qu’il est justifié que la soulte a été versée par un chèque de M. A Z tiré de son compte personnel ; que le versement préalable de cette somme par M. D Z à son fils n’est pas démontré ; que la preuve de la donation déguisée n’est pas rapportée.
Pour la Cour,
Les consorts Z versent aux débats le reçu établi par maître N, notaire, le 19 février 1985. Il y est consigné que la soulte (189 .000 francs) a été versée entre les mains du notaire par M. A Z, donataire. Il n’est pas contesté que le chèque a été tiré sur un compte de A Z au Crédit Lyonnais.
Mme X, retraçant la chronologie des faits, produit une lettre du 24 janvier 1985 adressée par son père à M. A Z. M. D Z écrit ainsi à son fils : «Je t’envoie cette lettre à l’insu de ta mère parce que je ne veux pas qu’elle soit au courant de l’arrangement que j’ai prévu. Comme je te l’ai déjà écrit, nous avons pris la décision de faire donation-partage de nos biens immobiliers. Nous avons rencontré Me N et nous avons tout arrêter avec lui. Nous t’avons adressé une lettre lundi (lettre que nous avons écrit dimanche) précisant toutes les modalités et valeurs arrêtées avec le notaire et nous avons adressé la copie de cette lettre à J. Tu auras vu que nous proposions deux solutions, la première prévoyant que l’annexe soit ajoutée à la maison principale mais avec une soulte beaucoup plus importante. Dans les deux cas la maison principale de Trévignon te revient car J ne viendra pas sur ses vieux jours en Bretagne et préférera les studios qui sont plus faciles à vendre même en restant à Chilly-Mazarin où ils prendront sûrement leur retraite. J’ai tout fait pour qu’elle accepte la part comportant le versement d’une soulte de 189 000 francs en insistant sur l’entretien nécessaire des maisons et du jardin ce qui te laissera l’annexe pour louer en plus de la maison principale. Elles ont alimentation commune mais je ferai des travaux pour les rendre autonomes ce qui te permettra de vendre la maison neuve plus facilement si nécessaire. Je suis sûr qu’elle acceptera car elle a toujours besoin d’argent. Dans cette lettre je n’ai bien entendu pas précisé que c’est moi qui te donnerai la soulte que tu auras à lui verser. Il est bien sûr hors de question que ce soit toi qui paye cette somme à ta soeur, le montant a d’ailleurs été minimisé au maximum en sous-évaluant le prix des maisons et j’y retrouve mon compte!! Ta soeur n’en saura rien et n’en parles pas à F…. . Je m’arrangerai pour te faire plusieurs chèques sur des comptes différents s’il le faut mais ne t’inquiète pas surtout. Confirme-moi ton accord afin que je puisse donner des instructions à Me N pour que cette donation soit faite rapidement. Je compte sur toi pour ne jamais rien dire. Je t’embrasse.
PS : je t’envoie cette lettre par le canal que tu m’as indiqué».
Le versement de la soulte par M. D Z est confirmé par une lettre de son épouse écrite le 28 septembre 1992 à sa fille. Mme Z écrit : «… il nie les faits mais l’honnêteté n’a jamais été une qualité de sa part surtout vis à vis de vous. C’est bien vrai, il donne à A les 230 000 francs pour l’achat de votre terrain. Il en a déjà donné une partie et il va étaler pour le solde car il a peur que vous le sachiez.En 1985 il avait déjà donné les 189 000 francs pour la soulte. Pour l’achat à la montagne il avait encore fait une magouille. ll a très peur que je vous le dise…»
Le fractionnement des virements faits à M. A Z, annoncé par M. D Z, donateur, explique que le virement de 189. 000 francs n’apparaisse pas sur les archives bancaires de M. Z.
Une autre lettre écrite par D Z à son fils, le 30 novembre 1991, corrobore les pratiques de dissimulation du donateur : «Ne sois pas surpris de recevoir un chèque de 100 000 francs avant le 31 décembre que je tire sur le compte de ta mère au CMB afin de brouiller les pistes ; en effet je vire régulièrement de l’argent du compte de mémé sur celui de ta mère. Ce sera toujours cela de gagner sur ton héritage (…)»
Ainsi, s’il n’est pas certain que la lettre du 6 novembre 2007 adressée à Mme X par son père et dans laquelle il déclare «Je peux te verser en euros 2007 : 28450 € pour solde de ce contentieux» est une nouvelle confirmation par le défunt de ce qu’il a financé la soulte de la donation de 1985, la donation déguisée est établie par les éléments circonstanciés rapportés ci-dessus. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a ordonné le rapport de la somme de 28. 812 € par G et K Z.
- Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 3 mars 2020, RG n° 18/01416