Le juge-commissaire, ayant à statuer sur les créances déclarées au passif, se prononce sur l'existence, la nature et le montant de la créance. Il en est de même pour le juge connaissant d'une instance en paiement, en cours lors de l'ouverture de la procédure collective. Interrompue par l'effet du jugement d'ouverture, cette instance reprend, moyennant réalisation des formalités de reprise d'instance. Dans les deux cas, aucune condamnation au paiement n'est prononcée par le juge fixant la créance au passif. Les décisions prises permettent simplement de dire si le créancier participera ou non aux répartitions ou aux dividendes d'un plan
En 1993, une banque a assigné une société cliente en paiement de différentes sommes. En cours d'instance, le débiteur a été placé en redressement judiciaire ; la banque a déclaré sa créance. Un plan de redressement a été arrêté, en octobre 1995, pour une durée de dix ans. L'instance en paiement a été suivie d'un jugement rendu le 9 juillet 1997, constatant l'existence de la créance et fixant son montant à une somme d'environ 650'000 EUR. Le jugement a été confirmé en 2008 en appel. En juin 2014, la banque a fait pratiquer une saisie-attribution sur une créance de sa débitrice; celle-ci a contesté la saisie, au motif que la décision d'admission au passif ne constitue pas un titre exécutoire l'autorisant.
Une cour d'appel, saisie de la difficulté, a affirmé la validité de la saisie, en retenant que le jugement du 9 juillet 1997 constituait bien un titre exécutoire, constatant une créance liquide et exigible. Pour ce faire, elle relève l'origine du jugement (un tribunal et non un juge-commissaire) et observe que la décision constate une créance liquide et exigible, que le créancier et le débiteur sont identifiés et que la banque a recouvré son droit de poursuite. Elle a ajouté que les textes n'exigent pas, pour retenir la qualification de titre exécutoire, que la décision juridictionnelle contienne formellement une condamnation, mais seulement qu'il en résulte sans ambiguïté une obligation de payer une somme liquide et exigible.
L'arrêt est censuré.
Pour la chambre commerciale de la Cour de cassation, la décision rendue par une juridiction après reprise régulière d'une instance en cours à la date du jugement d'ouverture, laquelle instance tend uniquement à la constatation de la créance et à la fixation de son montant dans le cadre de la procédure collective, à l'exclusion de toute condamnation du débiteur, ne constitue pas un titre exécutoire et ne peut, dès lors, servir de fondement à une mesure d'exécution forcée pratiquée par le créancier à l'égard du débiteur.
- Cour de cassation, Ch. com., 4 juillet 2018, pourvoi n° 16-22.986, FSD