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Le 06 mai 2010
Libre circulation des capitaux – Articles 56 CE et 58 CE – Droits de mutation sur les donations – Terrain sur lequel est édifié un immeuble – Droit à un abattement sur la base imposable – Traitement différent des résidents et des non-résidents
La question préjudicielle posée à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) était celle de dire si les droits de mutation, en particulier les droits de mutation sur une donation, doivent échapper au droit européen, au motif que l'Union européenne n'a reçu aucune compétence en la matière.

La réponse, en référence, est négative; elle rappelle que l'absence de compétence de l'Union européenne dans une matière donnée ne permet pas aux États membres d'exercer leurs compétences au mépris des exigences élémentaires du droit européen, en particulier des règles du marché intérieur.

Par acte authentique du 23 mai 2007, Mme Mattner, ressortissante allemande qui réside aux Pays-Bas depuis plus de 35 ans, a acquis par une donation effectuée à son profit par sa mère, également ressortissante allemande et résidant aux Pays-Bas depuis plus de 50 ans, un terrain bâti, situé à Düsseldorf (Allemagne), d’une valeur de 255.000 EUR.

Par un avis d’imposition en date du 24 janvier 2008, le Finanzamt a réclamé à Mme Mattner, au titre de la donation dont elle a bénéficié, des droits de mutation d’un montant de 27.929 EUR; ce montant a été obtenu en déduisant de la valeur du terrain un abattement d’un montant de 1.100 EUR et en appliquant à la base imposable en résultant un taux de 11 %.

Mme Mattner a introduit devant le Finanzgericht Düsseldorf un recours visant à obtenir le bénéfice de l’abattement de 205.000 EUR prévu pour les donations aux enfants lorsque le donateur ou le bénéficiaire ont leur résidence sur le territoire national à la date à laquelle la donation est effectuée. Par décision du 23 mai 2008, le Finanzamt avait préalablement rejeté la réclamation formée par Mme Mattner contre l'avis d’imposition qui lui avait été délivré.

Le Finanzgericht Düsseldorf a alors interrogé la Cour de justice (question préjudicielle) sur l'interprétation des articles du Traité CE relatifs à la libre circulation des travailleurs, à la liberté d'établissement {{et à la libre circulation des capitaux}} au sujet du calcul des droits de mutation dus en cas de donation d'un terrain construit situé en Allemagne.

Le Finanzamt et le gouvernement allemand ont soutenu en particulier que dès lors en admettant même que, en l’occurrence, la donation ne porte que sur un seul bien immeuble, il est légitime que ladite réglementation, pour déterminer l’abattement applicable à une donation entre non-résidents, se fonde sur le principe selon lequel la donatrice dispose encore, dans son État membre de résidence ou dans d’autres États, d’actifs qu’elle a transmis dans le même temps à Mme Mattner ou qu’elle pourrait transmettre ultérieurement à cette dernière sans qu’ils puissent être soumis aux droits sur les donations en Allemagne. Or, rien ne justifierait qu’un État membre tel que la République fédérale d’Allemagne, qui ne fait valoir son droit d’imposition qu’à l’égard de certains actifs isolés, accorde un abattement adapté à la transmission de l’ensemble du patrimoine. Ce serait donc non pas à cet État membre, mais à celui dans lequel résident la donatrice et Mme Mattner de prendre en compte, dans le cadre de l’assujettissement illimité, la situation personnelle de cette dernière.

La Cour de justice a déjà rappelé que de telles opérations constituaient des mouvements de capitaux au sens du traité conformément à son arrêt Persche du 27 janvier 2009 (CJUE, aff. C-318/07). En effet, comme pour l'imposition des successions, le traitement fiscal des donations portant aussi bien sur des sommes d'argent, des biens immeubles que sur des biens meubles relève des dispositions du traité relatives aux mouvements de capitaux, dans la mesure où leurs éléments constitutifs ne se cantonnent pas à l'intérieur d'un seul État membre, ce qui était le cas en l'espèce. Les dispositions nationales en cause au principal ont pour effet de restreindre les mouvements de capitaux en diminuant la valeur de la donation comprenant un tel bien dans une mesure contraire à l'article 56 TCE (devenu depuis TFUE, art. 63).

Et elle a écarté la justification fondée sur l'article 58, § 1 du TCE (devenu depuis TFUE, art. 65, § 1) relative aux « dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis », cette disposition étant d'interprétation stricte. La Cour a jugé inapproprié l'argument tiré de la possibilité de contourner les dispositions fiscales sur les successions en procédant à plusieurs donations simultanées ou en transmettant l'ensemble du patrimoine d'une personne au moyen de donations successives étalées dans le temps et a rejeté le moyen fondé sur la raison impérieuse d'intérêt général de la nécessité de sauvegarder la cohérence d'un système fiscal alors qu'aucun lien direct entre l'octroi de l'avantage fiscal et la compensation de cet avantage par un prélèvement fiscal déterminé n'a été établi.

Au final, la CJUE a dit pour droit que les dispositions combinées des articles 56 CE et 58 CE doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation d’un État membre, telle que celle en cause au principal, qui prévoit, pour le calcul des droits sur les donations, que l’abattement sur la base imposable en cas de donation d’un immeuble situé sur le territoire de cet État est inférieur, lorsque le donateur et le donataire résidaient, à la date à laquelle la donation a été effectuée, dans un autre État membre, à l’abattement qui aurait été appliqué si au moins l’un d’entre eux avait résidé, à la même date, dans le premier État membre.
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La décision (avis) est important et ne manquera pas d'avoir des répercussions, en particulier sur le droit fiscal français. Il suffit de penser aux impositions, comme celles de certaines plus-values ou encore des donations et successions, qui font une distinction entre résidents et non-résidents.
Référence: 
Référence: - CJUE, question préjudicielle, 22 avr. 2010, aff. C-510/08, Vera Mattner c/ Finanzamt Velbert