Eugénie X, épouse commune en biens de Joseph Y, décédé, a consenti diverses libéralités à chacun des trois enfants nés du mariage, Monique, Mylène et Jean-Louis, dont une donation-partage ; après son décès, le 12 juillet 2006, ce dernier est décédé, laissant pour héritiers ses trois enfants Joseph, Maxime et Chloé (les consorts Y) ; des difficultés se sont élevées pour la liquidation et le partage de la succession d'Eugénie X.
L'arrêt de la Cour de cassation a été rendu au visa de l'art. 1078 du Code civil, ensemble les articles 913, 920 et 922 du même code.
Il résulte du premier de ces textes que, si les conditions en sont réunies, les biens donnés seront, sauf convention contraire, évalués au jour de la donation-partage pour l'imputation et le calcul de la réserve.
Pour rejeter les demandes de Mme Mylène Y et des consorts Y tendant à la réduction de la donation-partage, l'arrêt d'appel retient qu'il résulte de l'acte qu'il n'a pas été prévu de réserve d'usufruit, que les évaluations et attributions ont été dûment acceptées par chaque héritier réservataire dans les conditions définies à l'art. 1078 du Code civil, que chacun a été rempli de ses droits respectifs dans la masse à partager sans qu'il en résulte une atteinte à leur réserve dès lors que chacun a reçu un tiers constituant sa part ; qu'il ajoute, qu'ayant accepté les évaluations des biens à la date de la donation-partage, en visant expressément les dispositions du texte précité, aucun des copartageants ne peut remettre en cause ces évaluations, notamment au prétexte que l'ensemble des biens immobiliers auraient été sous-évalués, la réévaluation de ces biens à la date de la donation-partage étant indifférente à la solution du litige ;
En statuant ainsi, alors que, pour le calcul de la réserve, les biens donnés doivent être estimés à leur valeur réelle au jour de la donation-partage, quelles qu'aient pu être celles énoncées à l'acte, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
L'art. 1078 du Code civil permet bien de déroger au droit commun de l'art. 922 du mêmecode, pour la détermination de la masse de calcul de la réserve. Lorsque les conditions d'exercice du texte (d'exception) sont réunies (absence de volonté contraire, acceptation d'un lot par tous les héritiers réservataires, aucun lot ne comporte de réserve d'usufruit portant sur une somme d'argent), les lots soumis à la réunion fictive ne sont pas estimés à leur valeur au jour du décès du disposant, mais à leur valeur au jour de la donation-partage. Dans l'arrêt qui précède, la Cour de cassation rappelle qu'il est cependant permis aux héritiers copartagés de contester l'estimation des biens qui avait été faite dans l'acte de donation-partage. Il arrive, en effet, que cette évaluation, qui est souvent artificiellement égalitaire, s'éloigne de la réalité.
- Cass. Civ. 1re., 25 mai 2016, pourvoi n° 15-16.160, cassation, P+B