Madame Florence M et son concubin monsieur Daniel L. ont acquis le 1er juillet 2003 en indivision, respectivement à hauteur de 19 % et de 81 %, un pavillon d'habitation avec jardin situé à Touffreville la Cable (76) au prix de 115 861 EUR, selon acte établi par Maître Franck L, notaire associé à Bolbec. Cet acte contenait une clause de tontine, aux termes de laquelle la propriété intégrale du bien était attribuée rétrospectivement au survivant des acquéreurs au décès de l'autre.
M. L a rédigé un testament le 3 octobre 2003 instituant Madame M comme légataire universelle en pleine propriété de ses biens.
Mme M et M. L ont conclu le 23 octobre 2003 un pacte civil de solidarité.
Au décès de monsieur survenu le 2 avril 2012, ses deux enfants Stéphane et Sandrine L ont contesté la validité de la clause de tontine en raison de la différence d'âge, de 25 ans, entre leur père et Mme M. Cette dernière, devenue propriétaire de l'immeuble à hauteur de 46% pour avoir hérité de son concubin à hauteur de 27 % correspondant à la quotité disponible d'un tiers, a accepté de racheter aux consorts L leur part correspondant à 54/100èmes de l'immeuble indivis pour la somme de 86 940 euros, réglée au moyen d'un petit apport personnel et d'un prêt de 90 000 EUR contracté sur 20 ans.
Par acte du 21 mai 2014, Madame M., reprochant au notaire Franck L de lui avoir conseillé la clause de tontine, a assigné la Scp Valérie M. et Jean-Charles R.-L., notaires associés venant aux droits de du notaire Franck L, aux fins de la voir condamner sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à lui payer les sommes de 5 383 euros au titre de son apport personnel, de 90 000 EUR au titre du montant de l'emprunt contracté, de 42 277,50 EUR au titre des intérêts de ce prêt et de 3964 euros au titre des frais de licitation, outre une indemnité de 3 000 EUR sur le fondement de l'art. 700 du code de procédure civile.
Le notaire a commis une faute en insérant dans cet acte une clause de tontine, attribuant rétrospectivement la propriété intégrale du bien au survivant des acquéreurs au décès de l'autre, dont l'efficacité a pu être contestée par les deux enfants du compagnon de la requérante. Les parties à l'acte avaient en effet une différence d'âge de 25 ans.
Cette faute ne cause cependant aucun préjudice financier à la requérante. Instituée, par un testament daté du 3 octobre 2003, légataire universelle en pleine propriété des biens de son compagnon avec lequel elle avait conclu le 23 octobre 2003 un pacte civil de solidarité, elle est devenue propriétaire de l'immeuble à hauteur de 46 % pour avoir hérité de ce dernier à hauteur de 27 % correspondant à la quotité disponible d'un tiers et a accepté de racheter aux enfants leur part correspondant à 54/100èmes de l'immeuble indivis.
Si elle avait été mieux conseillée par le notaire, elle n'aurait eu comme possibilité que de renoncer à l'acquisition ou d'acquérir seule le bien. Or, aucune de ces deux possibilités ne lui porte préjudice. Si elle avait acheté seule le bien, elle aurait déboursé 108 945 EUR, alors que le prix d'achat initial s'élevait à 115 861 EUR. Le coût de l'emprunt nécessaire aurait certes été plus important dans cette hypothèse que celui qu'elle a supporté. Si elle avait renoncé à acheter, elle aurait économisé une somme totale de 157 773 EUR correspondant à sa participation initiale à l'acquisition, aux frais de rachat des parts des enfants de son compagnon, au montant du prêt et à celui des intérêts, aux frais afférents au prêt ainsi qu'à son apport personnel mais sa situation patrimoniale serait moins favorable puisqu'elle ne serait pas propriétaire du bien qui a été évalué à la somme de 161000 EUR dans l'acte d'acquisition. Elle aurait également dû assumer sa part des frais du logement commun, jusqu'au décès de son concubin, de 2003 à 2012, puis assumer seule la charge d'un logement au-delà de 2012. Infirmant la décision entreprise qui lui avait alloué la somme de 100 000 EUR au titre des dommages et intérêts, la cour déboute en conséquence la requérante de la demande indemnitaire formée à l'encontre du notaire.
- Cour d'appel de Rouen, Chambre civile 1, 16 déc. 2015, RG N° 15/01054