Mme D. V. et M. P. ont acquis, le 30 novembre 2006, un immeuble situé au [...] afin d'y établir leur résidence principale et ils ont fait réaliser des travaux d'aménagement pour y habiter et louer deux appartements.
Cet immeuble se trouvait en mitoyenneté avec une bâtisse traditionnelle à colombages située au n° 40 non occupée ni entretenue depuis des décennies et dont l'état de vétusté les a inquiétés rapidement. Ils ont alerté le maire en 2013 qui a répondu par des arrêtés de péril.
Le 3 mars 2015, le mur séparant les deux parcelles 40 et 42, haut de six mètres et long de huit mètres s'est effondré, laissant les deux immeubles dans un état de précarité important. La mairie a fait réaliser des travaux d'évacuation de gravats et de confortation des parois latérales de l'immeuble n° 40.
Ces travaux se sont révélés insuffisants et dans la nuit du 18 au 19 août 2015, la charpente de l'immeuble n° 40 s'est effondrée, entraînant les planchers intermédiaires et des dégâts au mur mitoyen.
Un arrêté de péril a été pris le 20 août 2015 obligeant les habitants de l'immeuble n° 42 à quitter les lieux.
La commune d'Eymet a alors réalisé des travaux de consolidation qui ont empiété sur l'immeuble n° 42 et l'ont dégradé.
Une expertise judiciaire a été ordonnée en référé le 7 juin 2016 et l'expert désigné, Mme P., a rendu son rapport le 12 janvier 2017.
Par acte d'huissier de justice du 28 juillet 2017, Mme D. V. et M. P. ont fait assigner à jour fixe la commune d'Eymet devant le tribunal de grande instance de Bergerac. La commune a opposé à titre liminaire une exception d'incompétence de la juridiction judiciaire au profit de la juridiction administrative.
Appel a été relevé du premier jugement.
--o--
Les travaux effectués sur un immeuble menaçant ruine par une commune à la suite d'un effondrement d'un mur mitoyen ont, lorsqu'ils sont exécutés d'office, le caractère de travaux publics indépendamment de la qualité de la personne propriétaire du bien immobilier sur lequel ces travaux ont été effectués. En l'espèce, les appelants sont propriétaires d'un immeuble se trouvant en mitoyenneté avec un autre immeuble appartenant à la commune intimée comme bien sans maître. Le mur séparant les deux parcelles s'étant effondré et ayant causé de graves dégâts sur les deux immeubles, la commune a fait réaliser des travaux d'évacuation de gravats ainsi que de confortation des parois latérales de l'immeuble lui appartenant.
La date d'intégration de ce bien dans le domaine de la commune est indifférente car, bien que celle-ci soit différente selon qu'il est pris en compte l'intégration de plein droit de ce bien dans le domaine de la commune ou l'effet de la procédure d'acquisition, l'effondrement du mur est postérieur à cette date.
Par la suite, la charpente de l'immeuble appartenant à la commune s'est effondrée entraînant ainsi des dégâts au mur mitoyen ainsi qu'à l'immeuble des appelants. Un arrêté de péril a alors été pris interdisant aux appelants l'accès à leur habitation. En effet, leur immeuble menaçant ruine, la commune a réalisé des travaux sur celui-ci qui l'ont dégradé. Ces travaux étant effectués sur un immeuble menaçant ruine et étant exécutés d'office, ils ont le caractère de travaux publics indépendamment de la qualité de la personne propriétaire, c'est-à-dire en l'espèce les appelants.
Par conséquent, les litiges relatifs aux dommages résultant de travaux publics relèvent de la compétence exclusive du juge administratif. En outre, les travaux conservatoires entrepris par la commune ne sont pas constitutifs d'une voie de fait puisque ceux-ci ont été exécutés à la demande de la commune et se rattachent à l'exercice par le maire de ses pouvoirs à l'égard de l'immeuble menaçant ruine régulièrement constaté. De plus, la décision du maire n'aboutissant pas à l'extinction du droit de propriété et les clefs de la maison des appelants ayant été remises par l'un d'eux à la commune, seul le juge administratif est compétent pour statuer sur les demandes d'indemnisation des appelants.
- Cour d'appel de Bordeaux, 1re chambre civile, 3 avril 2018, RG n° 17/06507