Au moins dès 2007, Christine M. a connu des épisodes de syndrome délirant, à thématique mélancolique principalement lors de son hospitalisation de 2007, puis davantage liés à un sentiment de persécution en 2008-2009, troubles qui ont manifestement persisté en 2010, année pendant laquelle la défunte était en conflit avec l'hôpital qui l'employait, et a pu tenir des propos témoignant d'une activité délirante persécutive en évoquant la présence d'« un micro avec un émetteur » lors d'un entretien avec le docteur W.
L'existence de troubles mentaux n'emporte pas, contrairement à ce qui est soutenu par l'appelante, présomption d'insanité d'esprit au moment de l'acte, l'insanité d'esprit visée par l'article 901 du Code civil comprenant les affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant aurait été obnubilée ou sa faculté de discernement déréglée à la période de l'acte concerné.
Ainsi, la seule circonstance que Christine M. ait souffert de troubles psychiatriques depuis plusieurs années, ne prouve pas que ces troubles aient eu pour effet de la priver de son intelligence et de sa capacité de discernement à une date proche du testament, soit du 1er juillet 2010. A ce titre, les documents médicaux comme le rapport d'expertise judiciaire ne révèlent aucun élément, ni constatation quant à l'importance des troubles mentaux à proximité de la date du testament, et les conséquences éventuelles alors sur la capacité de Christine M. à prendre les dispositions testamentaires critiquées. Il n'est par exemple mentionné à cette période aucun épisode de crise ni aucune hospitalisation, ni même aucune confusion du fait de ses troubles, de sorte que la seule persistance des troubles psychiatriques est insuffisante à caractériser une prétendue insanité d'esprit la concernant.
Si l'appelante ajoute que Monsieur Philippe R., chef du personnel de l'assistance publique, a fait état le 25 octobre 2010 de propos incohérents et très agressifs de Christine M., avec des sanglots faisant état d'une situation de détresse, force est de constater que ces éléments extraits par l'expert d'un courrier adressé au docteur W. ne font référence à aucun événement daté, n'apportant de ce fait aucun élément utile à la résolution du litige.
L'expert judiciaire relève d'ailleurs la cohérence du testament eu égard aux termes employés par son auteur. S'il ajoute qu'« il faut souligner les éléments de préjudice qui y sont exprimés », et dont les intimés soulignent qu'ils « sont simplement les explications qu'a voulu donner mademoiselle M. pour éviter toute contestation de son testament », il n'en tire aucune conséquence sur la capacité de la défunte à exprimer une volonté saine lors de la rédaction du testament objet du litige. Il précise lui-même qu'un tel sentiment de préjudice est insuffisant pour prendre position sur les facultés de discernement, ajoutant simplement avoir « pu observer l'ambivalence de Christine M. à l'égard de ses parents », par l'analyse qu'il a faite d'une lettre du 7 avril 2003 de la de cujus à ses parents et par un document dactylographié non daté intitulé « Parlons des études de mes parents », soit à une période très distante du testament objet du litige, l'expert n'indiquant également que dans des termes très généraux que la « variabilité de l'attachement toujours teinté d'une certaine méfiance est constamment retrouvée dans la schizophrénie », sans aucune analyse propre à la situation de Christine M.
C'est donc à juste titre que le jugement entrepris relève qu'il ne ressort pas dutestament d'indices intrinsèques d'une quelconque insanité d'esprit de Christine M., le testament ne comportant pas d'anomalies formelles et étant cohérent, le sentiment de préjudice exprimé dans le testament étant peu signitificatif, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'il ait été exclusivement imputable à la pathologie dont souffrait la testatrice, sans rattachement au moins partiel à la réalité.
- Cour d'appel de Paris, Pôle 3, chambre 1, 3 février 2021, RG n° 19/00858