La Banque Dexia devenue la Banque Internationale à Luxembourg (ci-après dénommée la société BIL a conclu avec la Sarl d'En Haut une convention de crédit soumise à la loi luxembourgeoise pour un montant de 1 600 000 euro, suivant acte sous-seing privé du 28 août 2007. A titre de sûreté, il a été constitué au profit de la banque une garantie hypothécaire en vertu d'un acte reçu le 4 octobre 2007 par Maître Didier Coiffard, notaire associé d'un office notarial à Oyonnax.
La société BIL a poursuivi la saisie immobilière d'un bien en copropriété situé sur la commune des Houches, en vertu d'un commandement de payer valant saisie immobilière, signifié le 1er août 2013 à la société d'En Haut.
Aux termes de l'art. L111-2 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions fixées par la loi ou par les dispositions réglementaires qui ne lui sont pas contraires ; en application de l'article R 321-3 du même code, le commandement aux fins de saisie immobilière doit indiquer la date et la nature du titre exécutoire en vertu duquel il est délivré.
Aux termes de l'article L 111-3, 4°, seuls constituent des titres exécutoires les actes notariés revêtus de la formule exécutoire.
En l'espèce, la société BIL a fait signifier par acte du 1er août 2013 un commandement de payer valant saisie en vertu d'un acte reçu le 4 octobre 2007 par Maître Didier Coiffard, notaire associé, contenant affectation hypothécaire pour garantir la société BIL de l'exécution de la convention de crédit consenti au profit de la Sarl d'En Haut , en date du 28 août 2007, et de l'inscription d'hypothèque conventionnelle au bureau des hypothèques de Bonneville le 12 novembre 2007, volume 2007, V, numéro 4778.
L'acte précité du 4 octobre 2007 est un acte authentique par lequel le notaire, requis par la société Banque Internationale à Luxembourg et par la société Sarl d'En Haut, a constaté l'affectation hypothécaire de biens et droits immobiliers pour garantir à la banque "la stricte exécution de la convention de crédit ci-dessus relaté et le remboursement total de ce qui est ou sera dû en principal, intérêts, droit de commission et de banque, frais de compte, frais de prêt, notification, frais d'inscription de l'hypothèque, signification à faire le cas échéant aux termes de l'article 877 du Code civil, condamnation, frais d'exécution et autres non privilégiés résultant de l'exercice des droits de créances et d'hypothèque".
Un tel acte d'affectation hypothécaire, peut servir de titre exécutoire fondant l'exercice de voies d'exécution, y compris par voie de saisie immobilière, mais à la condition de contenir des mentions reproduisant les éléments essentiels de la convention de crédit, permettant de déterminer le montant de l'obligation dont l'exécution forcée est poursuivie.
Or en l'espèce, les seules mentions relatives au prêt qui a été consenti, résultent d'un exposé préalable dans les termes suivants : "la banque a consenti à la partie créditée aux termes d'un acte sous-seing privé en date à Luxembourg du 28 août 2007, une convention de crédit soumis à la loi luxembourgeoise pour un montant d' un million six cent mille euros (1'600'000 euro), aux conditions particulières et générales figurant dans ladite convention de crédit. L'original de cette convention de crédit sous-seing privé demeurera annexée aux présentes après mention (A.3). À la sûreté et garantie du remboursement de cette convention de crédit, il a été prévu de constituer au profit de la banque une garantie hypothécaire sur les biens dont la désignation suit pour un montant d' un million cent cinq mille euros (1'105'000 euro) pour une durée expirant le 1er octobre 2015".
La banque a initialement produit une copie authentique sur 34 pages sans renvoi ni mot nul, avec en première page la mention de l'enregistrement le 16 octobre 2007, laquelle ne comporte en fin d'acte aucune mention concernant les annexes, ni aucune annexe ; de même, elle produit un bordereau d'inscription d'hypothèque publié et enregistré le 12 novembre 2007, auquel est annexée la même copie authentique du contrat de crédit, sans mention ni annexe.
Elle indique qu'il s'agit de l'acte annexé au commandement de payer et à l'assignation ; il convient d'observer qu'il n'était pas revêtu de la formule exécutoire, et ne contenait pas d'indication permettant l'évaluation de la créance.
En cours d'instance, la banque a produit une copie exécutoire, dont les 34 premières pages sont strictement identiques aux actes précités, mais qui comporte, de la page 35 à la page 52, diverses annexes et notamment la convention de crédit sous-seing privé, et en page 52 la formule exécutoire.
L'acte d'affectation hypothécaire, sous cette forme, constitue bien un titre exécutoire au sens du texte précité permettant la délivrance d'un commandement aux fins de saisie immobilière.
Mais en application de l'art. 502 du code de procédure civile, "nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution que sur présentation d'une expédition revêtue de la formule exécutoire, à moins que la loi n'en dispose autrement".
L'art. R 321-3 du même code des procédures civiles d'exécution n'exige pas, ni la présentation, ni l'annexion en copie de la copie exécutoire du titre, mais la seule indication de la date et de la nature du titre exécutoire.
Cependant lorsque l'huissier a délivré le commandement aux fins de saisie immobilière sans être en possession d'une expédition, du fait qu'une simple photocopie de la copie authentique a été annexée, le créancier lui même n'était pas muni du titre exécutoire ; en effet, la banque ne conteste pas avoir annexé à l'assignation du 4 novembre 2013, saisissant le juge de l'exécution, une simple copie authentique de l'acte du 4 octobre 2007.
Il résulte surtout des conclusions déposées au greffe du juge de l'exécution le 19 juin 2014 et le 20 novembre 2014 à la requête de la société BIL que "pour clore toute discussion, la banque s'est rapprochée du notaire afin d'obtenir une nouvelle copie exécutoire de l'acte notarié, [et qu'elle] verse aux débats la nouvelle copie exécutoire de l'acte du 4 octobre 2007 qui comporte en annexe l'ensemble des pouvoirs". Cette pièce figure dans son bordereau sous le numéro 8, tandis que la simple copie authentique figure au bordereau sous le numéro 3 comme annexe au commandement de payer, et sous le numéro 7 comme annexe au bordereau d'inscription d'hypothèque.
Cet aveu confirme qu'elle n'était jusque-là en possession que d'une copie authentique, non revêtue de la formule exécutoire, ce qui corrobore le fait que l'huissier n'a pas fait mention de la copie exécutoire, et a délivré à la débitrice une photocopie de la copie authentique seulement.
Il résulte de cette constatation que si la société BIL est incontestablement aujourd'hui en possession d'un titre exécutoire, que constitue la copie exécutoire du contrat, contenant en annexe les dispositions du contrat sous seing privé qui permettent l'évaluation de sa créance, elle n'était pas munie de ce titre exécutoire au jour de la signification du commandement, mais seulement d'une copie authentique, sans annexe et sans formule exécutoire.
Il convient en conséquence de constater la nullité du commandement et d'ordonner sa radiation au fichier immobilier.
- Cour d'appel de Chambéry, Chambre 2, 2 juillet 2015, RG N° 15/00490