Aux termes de l'article 970 du Code civil : « le testament doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ».
Le formalisme de l'article 970 se réduit à trois solennités : l'écriture, la datation et la signature. L'instrument doit exprimer une volonté testamentaire.
Madame Christine A. ne dénie pas l'écriture de sa mère ni sa signature au bas du testament olographe daté du 14 avril 2005 mais ayant découvert un document qui aurait servi de modèle, document contenant de nombreux termes juridiques dont sa mère ne pouvait avoir connaissance, elle soutient que cette dernière a recopié servilement le modèle qui lui a été proposé sans en comprendre véritablement le contenu de telle sorte que sa volonté de tester en faveur de ses petits enfants n'est pas établie alors même que ses parents lui avaient fait donation de la maison le 15 mars 2000.
Pour les intimés, leur grand-mère a fait appel à son notaire maître B., notaire, qui lui a établi ce modèle des termes à employer pour satisfaire à son projet testamentaire.
En l'état, il est permis de penser que Mme Marthe A. s'est entourée des conseils de son notaire, maître B., qui lui a fourni un modèle et qui ensuite a conservé l'acte olographe en dépôt dans son étude.
La cour ne peut qu'observer que du fait de la réticence des notaires à prêter leur concours à la réception des testaments authentiques, l'usage du testament olographe recopié d'après un modèle - ils sont légion sur internet - est de pratique courante. La licéité du procédé est certaine.
Ainsi la circonstance qu'un modèle ait été fourni à Mme Marthe A., tout comme d'ailleurs une éventuelle dictée, n'affecte pas la validité du testament olographe sauf preuve que la testatrice n'avait pas conscience de la signification de ce qu'elle recopiait ou lui était dicté.
L'article 901 du code civil dispose en effet que « pour faire une libéralité il faut être sain d'esprit si le consentement est vicié par erreur, dol violence, la libéralité est nulle. »
Suivant sa fille appelante, Madame A. n' aurait pas disposé de certaines facultés en raison de la maladie du foie dont elle était atteinte depuis deux ans à savoir une encéphalopathie hépatique entraînant des troubles psychiatriques, une altération des facultés mentales l'ayant privée de son autonomie depuis 2004. Elle dénonce l'abus de vulnérabilité dont elle aurait été victime par ses petits-enfants.
Pour le tribunal et les intimés, ces symptômes réels sont antérieurs au testament mais la maladie a pris de l'ampleur au début de l'année 2006. La période est certes suspecte mais il n'est pas rapporté la preuve ni que les facultés intellectuelles de Mme Martine A. étaient erronées de façon habituelle, ni d'une vulnérabilité ou d'un trouble mental au moment de l'acte.
Les pièces médicales communiquées par Mme A. devant la cour antérieures à la date du 4 avril 2005 révèlent que celle-ci présentait depuis 2003 un problème de décompensation oedèmato-ascitique, évolution d'une cirrhose hépatique d'origine inconnue, traité avec succès par des diurétiques jusqu'en août 2004 date à laquelle, en raison d'une hypoatrémie, un shunt de Leuvine a été posé qui va être efficace pendant presque une année au prix de quelques poussées discrètes d'encéphalopathie essentiellement après les gestes et les anesthésies puisqu'il ne sera retiré définitivement qu' en février 2006.
En Mai 2006, lorsqu'elle est examinée par le professeur René L., chef du service d'hépato-gastro-entérologie et d'oncologie digestive de l'hôpital de la Timone à Marseille, elle présentait des 'dèmes et une ascite importante aggravant une éventration sous costale droite et une hernie ombilicale ainsi qu'une anémie assez nette mais pas de signe d'encéphalopathie.
À l'exception du suivi infirmier qui lors de son hospitalisation relève les 18 et 19 août 2004 ses difficultés à se gérer dans ses relevés d'urine, le 22 septembre, une prise de médicaments incontrôlée et un discours pas toujours cohérent, le 23 septembre enfin, une très grande déprime avec pleurs par moment, toutes difficultés, confusion mentale, somnolence diurne, torpeur, accès de démence les comportements erratiques agitation, hallucinations visuelles, bref atteinte des fonctions avec prédominance d'une défaillance du ralentissement qui s'accompagne d'une régression de son générale ponctuelles qui peuvent fort bien s'expliquer par les circonstances de son hospitalisation elle-même et son inquiétude à l'idée de la récidive de son ascite et de son intervention chirurgicale prochaine, aucun autre élément ne vient corroborer l'affirmation suivant laquelle Madame Marthe A. présenterait de manière habituelle des troubles psychiques induits par sa maladie dès 2003 et à tout le moins avant le début de l'année 2006.
Le docteur C., psychiatre, qui l'examinée le 10 avril 2006 à la demande de Mme Christine A. la décrit comme ralentie, désorientée dans le temps, manifestement bien en peine de rassembler ses souvenirs sans pour autant s'en affecter, de raconter son histoire personnelle et encore moins sa maladie en dehors du fait d'avoir été opérée de nombreuses fois. Et si ce psychiatre évoque une encéphalopathie hépatique, sorte d'empoisonnement du cerveau qui provoque des troubles psychiques divers et fluctuants et qu'il dresse un tableau global dont il ressort une atteinte des fonctions cognitives avec prédominance de défaillance mnésique et de ralentissement idéique, la cour ne peut qu'opposer à ce certificat d'un psychiatre qui ne soigne pas habituellement Mme A., le courrier adressé un mois plus tard le 10 mai 2006 par le professeur L. au docteur S. dans lequel il précise qu'elle ne présente pas de signe d'encéphalopathie.
Les nombreuses attestations versées aux débats par les intimés, Nunzia Aurouze, voisine de Marthe A. depuis 1982, Yvonne S., sa s'ur, Henri et Mireille A. ses beau-frère et belle-s'ur, Jacqueline A., son autre belle-s'ur, Roland et Joëlle I., ses amis depuis 1975, Annie E., l'infirmière libérale qui lui a assuré des soins sur la période de septembre 2004 à août 2006, Yan C., le kinésithérapeute qui intervenait à son domicile en 2006, Caroline C. qui la coiffait à domicile, Aurélie T. qui la visitait régulièrement, concordent toutes sur la lucidité de Mme Marthe A. jusqu'à son départ de sa maison en août 2006, le traitement ayant à compter de 2006 entraîné des effets secondaires qui ont occasionné son départ en maison de repos.
Le 9 mai 2006, l'assistance sociale Natacha L. et le responsable de coordination du centre local d'information et de coordination gérontologique du pays Salonais, Franck C., qui rencontrent Mme Marthe A. à son domicile notent qu'elle est parfaitement cohérente et orientée tout au long de leur entretien, évoquant des difficultés relationnelles anciennes avec sa fille exacerbées par son attitude pendant son hospitalisation.
Au vu de tout ce qui précède, il ne ne peut qu'être que constaté que Mme Christine A. ne rapporte pas la preuve que les facultés intellectuelles et psychiques de Mme Martine A. étaient défaillantes de manière habituelle, ni qu'elle présentait une quelconque vulnérabilité, voire même des troubles psychologiques ou mentaux au jour de la rédaction du testament du 14 avril 2005.
L'article 464 Code civil invoqué en dernier ressort par Mme Christine A. stipule quant à lui que « les obligations dans les actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être anéanties sur la seule preuve de son inaptitude à défendre ses intérêts par suite de l'altération de ses facultés personnelles notoire et continue. »
Il est communiqué aux débats par l'appelante la décision du juge des tutelles de Salon de Provence désignant le 21 avril 2006 Mme Christine A. en qualité de mandataire spécial de sa mère Marthe V. veuve A. placée sous sauvegarde de justice et la notification de la décision prise le 17 octobre 2006 sans que cette décision soit communiquée.
La période suspecte court au maximum du 21 avril 2004 au 21 avril 2006 c'est à dire sur la fourchette temporelle déjà examinée par la cour.
A l'examen de l'intégralité des pièces auquel il a été procédé précédemment, et plus particulièrement des attestations, il n'est pas démontré par Mme Christine A. le caractère notoire - c'est à dire la connaissance certaine de la situation personnelle de Mme Marthe A. et de la pathologie dont elle était atteinte par les membres de sa famille - d'une inaptitude de Mme Marthe V. veuve A. à défendre ses intérêts sur cette période courant d'avril 2004 à avril 2006 incluant la date du testament litigieux.
Par voie de conséquences, aucun des moyens soutenus par Mme Christine A. sur trois fondements distincts n'autorise, en l'absence de preuve, la cour à prononcer la nullité du testament olographe du 14 avril 2005.
La décision du premier juge mérite confirmation de ce chef.
- Cour d'appel de Montpellier, 3e chambre civile, 8 octobre 2020, n° 15/03783