La mission d’information et de conseil du notaire participe de ses obligations légales résultant de son statut d’officier public. Par conséquent, un manquement à ce titre relève de la responsabilité délictuelle, même lorsque le conseil a été sollicité dans le cadre d’une consultation juridique.
Christian a consulté maître B, notaire, au sujet de l’action en réduction de la donation du 18 avril 1996 susceptible d’être exercée par son co-héritier. Le notaire a interrogé le CRIDON (Centre de Recherche, d'information et de DOcumentation du Notariat) sur le délai de prescription de cette action. Le 30 avril 2010, le CRIDON a fait savoir que la question était discutée et que le délai de prescription pouvait être soit de trente ans à compter de l’ouverture de la succession, soit de cinq ans à compter du 1er janvier 2007, date d’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006, allongé, le cas échéant, de deux ans, dans la limite de dix ans à compter du 1er janvier 2007.
Le notaire ne conteste pas avoir commis une faute en omettant de tenir compte de la minorité de l’un des enfants du donateur dans la computation du délai de prescription de l’action en réduction de donation ouverte à ce dernier. En effet, ce délai de prescription ne pouvait commencer à courir qu’à la majorité de l’enfant, de sorte que la prescription ne pouvait en l’occurrence être acquise, selon la loi du 23 juin 2006 ayant réduit la durée de la prescription à cinq ans, que le 29 juillet 2024 au plus tôt.
Si le client fait valoir qu’il entendait attendre l’expiration du délai de prescription pour vendre l’immeuble, cette assertion demeure incertaine. En effet, d’une part, la question même du régime de prescription était controversée et n’était pas tranchée par la jurisprudence. Il s’en suit qu’un délai trentenaire courant à compter de l’ouverture de la succession du donateur pouvait s’appliquer de sorte que la prescription était susceptible de courir jusqu’au 18 décembre 2031, même sans tenir compte de la minorité de l’enfant.
En outre, des considérations fiscales pouvaient inciter le donateur à attendre 2012 pour vendre l’immeuble, le délai de quinze ans pour être exonéré de taxation sur la plus-value expirant le 18 avril 2011.
Au demeurant, si le vendeur avait attendu la majorité de l’enfant susceptible d’exercer l’action en réduction, les frais d’entretien de l’immeuble et la perte de loyers allégués auraient été plus importants. En tout état de cause, la menace d’une action en réduction n’empêchait pas le vendeur de vendre ou de louer l’immeuble de sorte que les préjudices résultant des frais d’entretien de l’immeuble et de la perte de loyers sont sans lien de causalité avec la faute du notaire.
S’agissant de la perte d’une chance de prendre une décision éclairée, elle n’est pas démontrée, le client n’étant pas en mesure d’indiquer quelle aurait été sa décision. La décision de laisser le bien inoccupé, puis de le vendre, relève d’une stratégie de gestion personnelle guidée par d’autres paramètres, en particulier fiscaux, indépendants de la menace d’une action en réduction de donation.
S’agissant de l’erreur qui aurait été commise dans la répartition du prix de vente de l’immeuble, elle n’est pas établie et au surplus sans incidence, dès lors que le notaire n’a procédé qu’à un projet de répartition, les fonds demeurant consignés dans l’attente d’un accord ou d’une décision judiciaire fixant les droits respectifs des deux héritiers.
Aucun préjudice en lien avec la faute du notaire n’est donc démontré dans cette affaire.
- Cour d’appel de Colmar, Chambre civile 2, section A, 13 janvier 2017, N° 12/2017